Sur Daniel 2, 1 . 25-47
L’interprétation du songe de Nabuchodonosor
Père Jean Steinmann
Daniel, chapitre 4 : le premier songe de Nabuchodonosor, p. 55s

Le songe de pharaon, déchiffré par Joseph, portait sur le tout proche avenir de l’Egypte. La signification de celui de Nabuchodonosor embrasse la durée toute entière du monde, puisqu’elle aboutit à la prévision d’un royaume qui durera toujours et dominera l’univers.
Rarement le génie synthétique de la Bible qui tend à ramener la diversité des êtres à l’unité n’a mieux éclaté que dans la description de ce rêve. On sait que, pour la Genèse, chaque peuple et chaque race est représenté par son ancêtre éponyme. Et toute l’humanité l’est par Adam. Au temps des Apocalypses, le Messie joue le rôle de nouvel Adam. En lui, l’humanité retrouve son unité perdue. Or, dans le songe de Nabuchodonosor, tous les royaumes humains sont ramenés à l’unité d’un seul empire symbolique, un dans l’espace puisqu’il est censé recouvrir le monde, et un dans le temps, puisque les différentes dynasties ne forment qu’une seule statue.
La statue que voit Nabuchodonosor joint le ciel à la terre : sa tête d’or fait songer au soleil, ses pieds de céramique touchent le sol de la montagne. Sa taille colossale et l’aspect étincelant et effrayant de la statue s’expliquent comme un caractère habituel et conventionnel des visions et des songes apocalyptiques.
Dans l’interprétation du sens de la statue que Daniel donne au roi, la diversité des métaux dont cette statue est faite est le signe des différentes dominations mondiales qui se succèderont en Orient depuis Nabuchodonosor jusqu’à l’achèvement que constitue le règne messianique. La tête d’or, c’est le roi lui-même, symbole et chef de l’Empire babylonien. Le torse d’argent, c’est l’Empire Mède que l’auteur de Daniel imagine avoir succédé à Balthazar. Le ventre et les cuisses de bronze figurent les Perses. Les jambes de fer, c’est l’Empire d’Alexandre avec, à la base, l’alliage de fer et de céramique pour signifier le dualisme des Lagides et des Séleucides. La pierre est le royaume messianique écrasant le double Empire d’Egypte et d’Asie pour asseoir la domination divine. L’apparition de la pierre, c’est l’intervention d’une force essentiellement différente de celles qui faisaient se succéder l’or, l’argent, le bronze, le fer et l’argile dans la composition de la statue. Une puissance transcendante brise l’hégémonie des royaumes terrestres ; son intervention se fait en trois temps : la pierre qui apparaît se détache de la montagne, elle vient briser la statue en l’attaquant à la base, la pierre s’accroît jusqu’à devenir une montagne éternelle. Cette pierre qui apparaît, c’est un royaume, mais tout royaume est représenté par son roi : le roi ici est le Messie : Me voici en train de poser à Sion une pierre témoin angulaire, précieuse, fondamentale (Isaïe 28,16-17). Le nouveau royaume de la Montagne réunira tous les hommes de tous les pays.