Sur Daniel 8, 1-26
Le bélier et le bouc
Père Jean Steinmann
Daniel, p. 120s

Le bélier dominant un troupeau servait fréquemment en Orient d’image symbolique pour désigner un prince ; les deux cornes du bélier, symbole de l’empire des Achéménides, figurent les deux peuples associés à la conquête de Cyrus, les Mèdes et les Perses. Le bélier vient de l’Orient : il fonce dans les trois autres directions ; historiquement, Cyrus a commencé par conquérir l’Asie Mineure occupée alors par les Lydiens ; à la suite de la prise de Babylone, il étendit son empire sur le Proche-Orient, son fils Cambyse envahit l’Egypte jusqu’à l’Ethiopie. Tel est le coup de corne du bélier vers le Midi.
A la fin du IVème siècle, la domination va être arrachée au bélier perse : le bouc, portant une corne entre les yeux est une sorte de licorne, symbole d’Alexandre le Grand. Le combat entre le bélier et le bouc est une allégorie de la lutte entre le Macédonien et Darius III Codoman. La grande corne se brise : Alexandre succombe au terme de son entreprise démesurée. Quatre cornes la remplacent qui désignent les Diadoques. La petit corne qui surgit désigne Antiochus Epiphane : son empire grandit jusqu’à envahir la Palestine où la Demeure sainte est détruite. Mais surtout cette corne grandit jusqu’aux cieux, signe du pouvoir divin qu’elle s’arroge.
Daniel, perplexe devant les détails de la vision, un interprète angélique vient l’instruire ; Gabriel tenait une grande place dans la foi juive au IIème siècle avant Jésus-Christ. A l’approche de Gabriel, Daniel se prosterne ; le messager lui annonce que la vision est relative au jugement eschatologique. L’idée de cette manifestation transcendante du pouvoir de Dieu terrorise tellement le voyant qu’il s’évanouit. Il est alors éveillé par l’ange. Gabriel lui explique le sens de la vision, et quand il en vient à l’explication de la signification de la petite corne qui grandit, Gabriel profère un oracle à la manière des anciens prophètes. Ce poème est une satire violente du roi Antiochus ; son règne est regardé comme un effet et une punition des péchés des hommes, et, lorsqu’il vainc l’Egypte, il s’enfle d’orgueil au point de s’attaquer à Dieu : il est alors brisé sans intervention humaine. Cela rappelle que la statue, vue en songe par Nabuchodonosor, était abattue par une pierre détachée de la montagne, sans qu’aucune main ne l’eût poussée. Désormais le royaume de Dieu va l’emporter sur la tyrannie des hommes.