Sur Daniel 10,1 – 11,1
L’amour de la Sagesse
Saint Augustin
Sermons au peuple, 5ème série, sermon 391, OC 19, p. 426s

Nous vous exhortons, frères et sœurs, à vous laisser prendre par les charmes de la véritable vertu. Ni la beauté des objets terrestre, ni l’éclat des métaux précieux, ni les charmes des frais ombrages des bois, ni le riche coloris des fleurs, ni les grâces naturelles ou empruntées qui embellissent le corps, ni le son des instruments à cordes, ou des flûtes harmonieuses, ni les odeurs les plus douces, ni les saveurs les plus exquises, ni les embrassements les plus tendres ne peuvent être comparés à la beauté, aux inspirations, aux attraits, aux doux remèdes de la sagesse. Il ne nous est pas défendu d’aimer. Voulez-vous aimer ? Aimez la sagesse, que toute votre ambition soit de parvenir jusqu’à elle. Pour que son aspect ne vous cause point d’effroi, conformez-vous aux sentiments de l’homme intérieur. Des yeux lascifs ne cherchent que la beauté et les ornements du corps ; la sagesse cherche les ornements du cœur. Or, ce n’est point de vos richesses que vous devez tirer ces ornements, car la sagesse hait les orgueilleux et ceux qui se glorifient comme s’ils étaient les auteurs de tout ce qu’ils possèdent. Mais qu’avez-vous qui vous n’ayez reçu ? (1 Corinthiens 4,7). C’est donc la sagesse qui vous donne ce qui vous rend agréable à ses yeux. Aimez-là, elle vous conservera ; attachez-vous à elle, elle vous élèvera ; honorez-là, elle vous étreindra de ses embrassements, elle mettra sur votre tête une éclatante couronne de grâces (Proverbes 4,9). La sagesse est pleine de lumière, sa beauté ne se flétrit point, et ceux qui l’aiment la découvrent aisément (Sagesse 6,13). Proposez-vous de vous unir étroitement à elle, qu’elle soit l’objet de vos soupirs, de vos plus ardents désirs, d’un amour qui aille jusqu’à la mort. Renoncez-vous, si vous ne voulez pas qu’elle vous renonce par suite de votre vaine complaisance en vous-même. Sa conversation n’a rien de désagréable (Sagesse 8,16). Si vous vous sentez capable d’amour, aimez la sagesse ; si vous avez la beauté en partage, cherchez à plaire à Dieu ; si vous êtes jeune, triomphez du démon. Daniel a été appelé par l’ange homme de désirs (Daniel 10,11). Quels étaient ses désirs, sinon ceux d’un homme qui soupirait ardemment après la beauté de la sagesse, qui avait foulé aux pieds dans sa jeunesse les plaisirs de la chair, réprimé, tout captif qu’il était, l’orgueil des rois, et fermé la gueule des lions au milieu desquels on l’avait jeté ?