Sur Jean 2, 13-22
Jésus et le Temple

Cardinal Yves-Marie Congar
Le mystère du Temple, p. 152s

Le geste de Jésus, la purification du Temple, est d’abord un acte de zèle religieux et réformateur : il s’élève contre un abus. Au témoignage de saint Jean, les disciples ont alors évoqué le mot du psaume (68,10) : Le zèle pour ta maison me dévore.
Mais il y a, de la part de Jésus, beaucoup plus qu’un acte de zèle réformateur : une intervention de nature et de style prophétique. On pense aux annonces de Michée, d’Isaïe, d’Ezéchiel, on pense à Jérémie (1,10) surtout, chargé d’arracher et de renverser pour exterminer et démolir, pour bâtir et pour planter et appliquant douloureusement cette mission au Temple lui-même.
Comme les prophètes, Jésus se réfère à la volonté du Père, qui veut pour le Temple un autre régime que celui en vigueur : cela est très formellement prophétique. Comme les prophètes aussi qui, en combattant les malfaçons et l’esprit de déloyauté dans le culte et les sacrifices, faisaient plus que lutter contre des abus, mais annonçaient la vraie nature des sacrifices voulus par Dieu, ainsi Jésus signifiait la substitution du culte en Esprit et en vérité, au culte du régime mosaïque. Le sacrement de son corps et de son sang, que lui-même instituera, sera la suprême consommation de ce culte en esprit et vérité. Saint Augustin remarque justement qu’il n’y avait pas grand péché à vendre dans l’enceinte du Temple ce qui était nécessaire pour l’accomplissement d’obligations cultuelles imposées par une Loi qui venait de Dieu. Et pourtant, Jésus expulse bœufs, moutons, pigeons. Il proclame en réalité l’accomplissement de ce que les prophètes avaient annoncé, de ce que les psaumes, exprimant l’admirable piété des pauvres de Dieu, précisaient de façon plus positive : Tu ne voulais sacrifice ni oblation, tu m’as ouvert l’oreille ; tu n’exigeais holocauste ni victime, alors j’ai dit : Voici, je viens faire ta volonté.
La lettre aux hébreux (10,5-9) nous dit combien Jésus devait réaliser cela, combien cette théologie de sacrifices consistant dans l’offrande de l’homme lui-même, c’est-à-dire son obéissance aimante à la volonté du Dieu, est liée avec l’épisode de la Purification du Temple. Jésus expulse les animaux, matière des offrandes légales, parce que l’heure est venue de l’adoration en Esprit et en vérité ; l’heure est venue du vrai sacrifice, foncièrement identique à la prière – ma maison sera appelée maison de prière – car la prière elle-même, dans sa vérité, est communion à la volonté de Dieu. Et ce vrai sacrifice des hommes n’existe et ne s’achève que dans la participation au sacrifice eucharistique : l’hostie et le calice de l’obéissance du Seigneur.