sur Tite 1,7-11+2,7-8 ou Actes 20,17-36
Quiproquos dans la cathédrale de Tours
Sulpice Sévère
Gallus, Dialogues sur les vertus de saint Martin, SC 510, p. 215s

Alors que Martin se rendait à sa cathédrale, un pauvre, à moitié nu en ces mois d’hiver, se présente à lui en priant qu’on lui donne un vêtement. Martin fit alors venir son archidiacre et lui enjoignit que l’on vêtit sans tarder l’homme qui grelottait ; puis ayant pénétré dans une pièce retirée, une annexe de l’église, il y resta tout seul selon son habitude pour y prier, jusqu’au moment où la coutume requérait que la liturgie fut célébrée pour le peuple. Je n’omettrai pas le fait que dans cette pièce il ne fit jamais usage d’un siège : d’ailleurs, dans l’église, personne ne le vit juché, comme certains, bien haut sur un trône élevé, comme sur une estrade impériale ; quand il s’asseyait, au cours de la liturgie, il utilisait une sellette rustique, la même que celle des petits esclaves, que nous autres, Gaulois de la campagne, nous appelons tabourets, et que les lettrés nomment des trépieds.
Le pauvre, toujours presque nu, l’archidiacre ayant remis à plus tard de lui donner une tunique, fit irruption, tout grelottant, dans cette retraite du bienheureux en prière, en se plaignant d’avoir été négligé par le clerc. Sans tarder, ayant ôté en cachette sa tunique sous sa cape, sans être vu du pauvre, Martin l’en revêt et l’invite à se retirer. Peu après l’archidiacre entre et fait savoir au saint que le peuple l’attend dans l’église, donc qu’il doit faire son entrée pour procéder à la cérémonie. Martin lui dit en réponse qu’il fallait d’abord vêtir le pauvre, or c’est de lui qu’il parlait, et qu’il ne pouvait s’avancer dans l’église si le pauvre ne recevait pas de vêtement. Or le diacre, n’y comprenant rien, parce qu’il ne voyait pas que Martin était revêtu, par-dessus, d’une cape, mais qu’en dessous il était nu, allègue finalement que le pauvre avait disparu. C’est à moi, dit Martin, qu’il faut apporter le vêtement préparé.
Alors le clerc, pressé par cette stricte obligation à laquelle il ne comprenait rien, sa bile désormais échauffée, attrape dans une des boutiques les plus proches un vêtement bigourdan, court et poilu, qu’il achète pour cinq pièces d’argent, et, tout irrité, l’étale aux pieds de Martin. Voici le vêtement, dit-il, mais le pauvre n’est pas là. Martin, sans s’émouvoir, l’invite à demeurer quelques instants à la porte, tâchant de garder à tout prix le secret : il se déshabille, enfile le vêtement, en mettant tous ses soins à dissimuler ce qu’il avait fait.
Mais quand de pareils gestes des saints restent-ils cachés à ceux qui cherchent à les connaître ? Qu’on le veuille ou non, tout se dévoile. C’est donc avec ce vêtement que Martin s’avance pour offrir le sacrifice à Dieu.