sur 2 Maccabées 7, 20-41
Les prémices de la prière

Saint Léon le Grand
Sermons, Premier sermon de Carême, SC 49, p. 30s

Confiants dans les armes qui sont le bouclier de la foi, le casque du salut, le glaive de l’Esprit Saint qui est la Parole de Dieu, abordons sans paresse et sans crainte la lutte qui nous est proposée. Sachons alimenter la vigueur de l’âme, mortifions quelque peu l’homme extérieur, mais que l’intérieur se restaure, et que l’esprit puise des forces aux délices spirituelles. Que toute âme chrétienne s’observe de toutes parts elle-même ; par un sévère examen, qu’elle scrute le fond de son cœur ; qu’elle veille à ce que nul soupçon de discorde n’y demeure, nulle trace de convoitise ne s’y installe. Que la chasteté chasse bien loin l’incontinence, que la lumière de la vérité dissipe les ténèbres du mensonge ; que l’orgueil désenfle, que la colère vienne à résipiscence, que se brisent les traits qui portent préjudice, que l’on mette un frein au dénigrement de la langue. Que cessent les vengeances, et que les injures soient abandonnées à l’oubli. Bref, que tout plan que n’a pas planté le Père céleste soit arraché (Matthieu 15,13). C’est, en effet, lorsque tous les germes étrangers sont enlevés du champ de notre cœur que les semences des vertus peuvent être convenablement nourries en nous. Si donc quelqu’un, enflammé contre un autre du désir de se venger, l’a fait jeter en prison ou chargé de chaînes, qu’il se hâte de le libérer, non seulement s’il est innocent, mais même s’il paraît mériter le châtiment ; c’est ainsi qu’il suivra sans crainte la règle de la prière du Seigneur : Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes remettons à nos débiteurs. Article de nos demandes que le Seigneur souligne par cette instruction spéciale, comme si la condition de l’efficacité de toute prière s’y trouvait enfermée : Si, en effet, vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne les pardonnez pas aux hommes, votre Père céleste non plus ne vous pardonnera pas vos offenses.
Celui qui, aidé de la grâce de Dieu, tendra de tout son cœur à cette perfection, celui-là s’acquittera parfaitement de la prière ; étranger au levain de son ancienne malice, il parviendra, avec des azymes de pureté et de vérité, à la vie bienheureuse. Vivant de la vie nouvelle, il méritera de goûter la joie pleine et entière dans le mystère de l’humaine régénération.