Sur Matthieu 11, 2-11
« Es-tu Celui qui doit venir ? »
Père François Varillon
La parole est mon Royaume, p. 15s

Jean-Baptiste a-t-il connu dans sa prison l’épreuve du doute ? Il semble bien que nous devons répondre oui. Celui que Jésus appelle le plus grand parmi les fils des hommes a très probablement douté. Si Jean-Baptiste a douté, tous les croyants doivent reconnaître que sur eux aussi pèse la menace du doute. Jean-Baptiste a dû beaucoup souffrir. Il avait été le précurseur du Messie ; il avait consacré sa vie à l’annoncer et à préparer sa venue. Et voici que maintenant il s’interroge : Jésus est-il bien le messie, celui que tout Israël attend en brûlant d’impatience et d’espérance ? Jean ne se serait-il pas trompé ? Car, enfin, le jeune prophète, Jésus, ne s’impose pas comme devrait s’imposer de façon éclatante et irrécusable un envoyé de Dieu ; certes il fait des miracles, et Jean en entend parler dans sa prison. Mais selon les critères officiels, ces miracles ne l’imposent pas comme messie. Jean est écartelé entre ce qu’il entend raconter d’extraordinaire sur Jésus et l’absence de toute manifestation éclatante de sa messianité. D’autant plus qu’il est prisonnier, et le Messie qu’on attend doit libérer des prisonniers ! S’il ne délivre pas Jean, son prophète, son ami, qui délivrera-t-il ? La discrétion dont Jésus s’entoure est incompréhensible. Il n’invite pas à voir des prodiges. Il n’y a pas de trace de mise en scène dans son activité. Rien n’est jamais préparé à ‘avance. Il ne sonne pas de la trompette et, aux infirmes guéris, il interdit d’en sonner, il leur demande même instamment de n’en rien dire.
Le doute de Jean-Baptiste est une étape sur le chemin de sa foi, l’avant dernière étape avant la plénitude ? Le mot-clef est le mot humilité. Sanctifié par l’Esprit dès le ventre de sa mère, Jean grandit dans l’intimité de Dieu. Le silence qui environne sa croissance n’aurait pas de sens spirituel s’il ne le nourrissait pas d’humilité. Nous ne savons rien de son adolescence, de sa jeunesse, ni de l’heure où il quitta ses parents pour vivre et prêcher dans le désert. Quelques mots seulement de la prédication de Jean ont été consignés dans l’Evangile. Or ce sont des mots qui conseillent l’humilité : « Ne faites rien d’extraordinaire ». Et quand il envoie ses disciples demander à Jésus : Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?, il est humble entre les humbles. Que faut-il de plus à ce géant de sainteté ? Il a prononcé la phrase qui traversera les siècles : Il faut qu’il croisse et que moi je diminue. Et il diminue si bien qu’il est délaissé, abandonné de tous, rejeté, effacé, humble et humilié. Si Jean s’étonne et s’inquiète de la manière dont celui qu’il tient pour le Messie accomplit sa mission, c’est qu’il lui faut encore apprendre que c’est un Dieu infiniment humble que Jésus doit révéler ; et cela, non seulement avec des mots, mais par son être même et sa manière d’être.