Sur Isaïe 40,12-31
La grandeur divine
Père Jean Steinmann
Le livre de la consolation d’Israël, p. 94s

La liturgie du nouvel an à Babylone renouvelait la création : on célébrait en Mardouk, le dieu tout-puissant, le créateur du monde, le Seigneur de tous les dieux du ciel et de la terre, lequel prend conseil avant de créer l’homme.
Il faut se rappeler cela pour saisir la force du monothéisme juif. Certes, le prophète parle, dans la première strophe, de la main de Dieu qui tient les eaux de la mer. Le poète ne répond pas directement aux questions posées ; il se contente, à la seconde strophe d’affirmer qu’à la différence de Mardouk, le Dieu des Juifs, lui, n’a bénéficié d’aucun conseil dans sa création. Le vocabulaire de cette strophe difficile est presque philosophique : il y est question de connaissance, d’intelligence, de méthode, qui suivant l’expression concrète du génie sémitique est appelée un chemin, une voie. Dieu apparaît non seulement comme le créateur, par sa taille et sa puissance, mais comme la source des lois de l’esprit : Il est la pensée même. Le prophète poète juif accumule alors tous les mots qui désignent en hébreu l’intelligence, le jugement, le discernement. La troisième strophe fait la synthèse des deux premières. Le prophète avait demandé qui dominait le monde ; puis il avait montré que Dieu n’était surpassé, ni conseillé par personne dans l’ordre de la science. Il restait à conclure que c’est lui, Dieu, qui avait tout créé, seul.
Certes les prophètes qui avaient précédé le second Isaïe n’avaient jamais douté que Dieu fut le créateur du monde. Ils savaient que Dieu ne mourait jamais. L’éternité de Dieu ainsi affirmée avait une conséquence : pour vivre toujours, il faut recéler en soi les sources de la vie. D’où Dieu est infatigable et sa pensée est insondable. Car il vit en esprit. Aussi rend-il des forces aux gens physiquement ou moralement las. Même les jeunes se fatiguent, tandis qu’à ceux qui espèrent en lui, Dieu donne des ailes d’aigle.
La conclusion s’impose à tous. Les exilés doivent garder les ailes de l’espérance, se montrer infatigables dans l’attente du salut. D’autant plus que le poète allait chanter le chant du conquérant auquel la tâche de leur délivrance avait été confiée par Dieu.