Sur Matthieu 2, 13-18
Hérode et les Innocents
Saint Romanos le Mélode
Hymnes XV, Les Saints Innocents, SC 110, p. 205s

A présent que le roi est né à Bethléem, les Mages quittent le pays perse avec des présents, guidés de là-haut par une étoile ; mais Hérode est tourmenté, et il moissonne les innocents comme du blé, car il souffre en voyant que son pouvoir s’anéantira bientôt.
Quand là-haut comme ici-bas règne la joie, qu’y a-t-il à Rama, pour qu’on y entende une immense lamentation ? Jacob exulte, qu’a donc Rachel à se plaindre ? Joseph s’est fait reconnaître, qu’a donc Rachel à gémir ? Benjamin est exalté, qu’a donc Rachel à pleurer ? Allons voir le deuil et la douleur, car ce ne sont pas ses premiers enfants qu’elle pleure, ceux qui furent perdus et retrouvés, mais ceux que vient d’égorger Hérode le sanguinaire : il s’est fait préciser le temps où l’étoile a brillé, et il a envoyé ses gens à Bethléem pour priver Rachel de ses enfants à cause du nourrisson de Marie. Mais Rachel les a retrouvés dans la joie, tandis qu’Hérode pleure son pouvoir qui s’anéantira bientôt.
La peur qu’il avait toujours crainte lui est venue maintenant malgré lui, et ce qu’il n’attendait pas, il l’a appris en étudiant les paroles du prophète. Isaïe dit en effet : Un petit enfant nous est né, et ainsi un fils nous a été donné. Il est le père de tout et le maître des siècles ; sur ses épaules il porte l’empire. Ange du grand conseil, tel est le nom dont il sera appelé. Le Dieu est sur son trône, dans la crèche, partout, car il est infini. Hérode terrifié fait donc bien d’avoir peur, et de se faire indiquer exactement le lieu où est né le roi de l’univers qui vient de se manifester, car il a su de façon sûre que son pouvoir s’anéantira bientôt.
De son sommeil paisible, il a été réveillé en sursaut, bouleversé par la peur : Hérode était pris de crainte et tremblait au nom de Celui qui était né. Ayant appris des Mages la puissance de ce petit, il s’écrie, mêlant au rire la douleur : « Ô malheur imprévu, un tout petit m’épouvante ! Ô pensée misérable, je tremble devant un jeune enfant que je n’ai jamais vu ! Je règne sur les flots et sur la terre, et un innocent m’inquiète. Que ferai-je donc aujourd’hui ? Comment agirai-je pour parer à demain ? Tout à coup une étoile a illuminé la terre entière, et a proclamé en lui le roi fort qui anéantira mon règne ; et je pleure mon pouvoir qui s’anéantira bientôt ».