Sur Michée 7, 7-13
La brûlante attente du Verbe incarné

Saint Bernard
Sermon 2 sur le Cantique des cantiques, SC 414, p. 81

Je pense souvent au brûlant désir avec lequel les patriarches attendaient la présence du Christ dans la chair et j’en ressens une honte et une confusion profondes. Aujourd’hui j’ai peine à retenir mes larmes, tant je rougis de la tiédeur et de la torpeur de notre misérable époque. Auquel d’entre nous la manifestation de la grâce inspire-t-elle une joie aussi vive qu’était brûlant le désir allumé dans les cœurs de nos saints pères par sa simple promesse ?
Dans leur élan vers Dieu, ils disaient : Que me font ces grands discoureurs de prophètes ? Ah ! Que vienne plutôt le plus beau des enfants des hommes ! Qu’il me baise, lui, du baiser de sa bouche. Je ne veux plus entendre Moïse : sa langue, pour moi, est trop embarrassée ; les lèvres d’Isaïe sont impures ; Jérémie de sait pas parler, il n’est qu’un enfant. Les prophètes ? Ils sont tous muets ! Mais lui, celui dont eux parlent, qu’il parle lui-même ! Qu’il me baise, lui, du baiser de sa bouche !
Qu’il ne me parle plus en eux et par eux, car ils ne sont que sombre vapeur dans les nuées du ciel (Psaume 17,12), mais qu’il me baise du baiser de sa bouche, celui dont la présence bienfaisante et l’admirable enseignement s’écouleront au-dedans de moi comme une source jaillissante en vie éternelle (Jean 4,14). Celui que le Père a oint d’une huile d’allégresse de préférence à ses compagnons (Psaume 44,8), n’est-ce pas celui-là qui répandra en moi une grâce plus abondante ? Elle sera pour moi invasion de joies, révélation de mystères, mélange indéfinissable de lumière divine et d’intelligence illuminée. Qui adhère ainsi à Dieu ne fait plus avec lui qu’un seul esprit (1 Corinthiens 6,17).
C’est donc avec raison que je ne veux plus accueillir ni visions, ni songes, je refuse figures et images, je suis las même des apparitions angéliques. Mon Jésus est tellement plus beau et plus attirant que les anges !