Sur Isaïe 41, 21-29 / Luc 1, 26-38
« Réjouis-toi, comblée de grâces »
Saint Aelred de Rievaulx
Sermons, Pain de Cîteaux 11, Sermon 9 pour l’Annonciation, p. 143s

Bien qu’il soit doux de supposer que la Bienheureuse Marie fût physiquement très belle et gracieuse, nous devons pourtant appliquer ces paroles à la beauté intérieure. Mais qui peut dignement parler de la beauté intérieure de celle que le plus beau des enfants des hommes a aimée, choisie, sanctifiée plus que toutes les créatures ? Non seulement il a habité dans son âme, mais il s’est aussi préparé une demeure dans son corps. Sans nul doute, là où il était, dans le sein du Père, il a senti le parfum de la virginité de Marie, il a contemplé la splendeur de son âme ; voilà pourquoi, aujourd’hui, il envoie son ange pour lui annoncer sa venue non seulement en son cœur, mais aussi en sa chair. Voyez, frères, quelle union nuptiale et combien céleste ! L’Epoux, c’est Dieu ; l’épouse, c’est la Vierge ; le garçon d’honneur, c’est l’ange ! Dans cette union nuptiale, la Vierge n’a pas perdu sa virginité, l’Epoux n’a pas perdu sa divinité, l’ange n’a pas perdu sa dignité. Et il y a encore un bien plus grand miracle dans ces noces : l’Epoux est le fils, l’épouse est la mère. Il est l’époux puisqu’il a uni à sa divinité l’âme de cette Vierge sainte ; il est le fils parce qu’étant Dieu il s’est fait homme, il est sorti du sein de la Vierge comme l’époux de la chambre nuptiale. C’est donc à juste titre que l’ange la salue en disant : Réjouis-toi, comblée de grâces, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre les femmes.
Au moment où l’ange vint, elle avait peut-être le Livre d’Isaïe en mains, elle scrutait peut-être cette prophétie : Voici que la Vierge concevra et elle enfantera un fils que l’on appellera Emmanuel. Je pense qu’à cette heure-là le texte de l’Ecriture provoqua en son cœur un beau combat : quand elle lisait ce qui devait arriver, qu’une vierge enfanterait le Fils de Dieu, elle souhaitait secrètement, mais non sans crainte, que ce puisse être elle ; mais aussitôt, elle s’estimait tout à fait indigne de recevoir un don aussi grand. La charité entrait en combat avec la crainte, la ferveur avec l’humilité. L’excès de crainte la faisait presque désespérer, mais, en même temps, l’immense désir mis en elle par ce texte ne pouvait que l’encourager à espérer. La ferveur la faisait présumer d’elle-même, mais, en même temps, sa grande humilité la faisait hésiter. Tandis qu’elle se trouvait dans le flux et le reflux de ses hésitations et de ses désirs, l’ange entre et lui dit : Réjouis-toi, comblée de grâces.