sur Michée 4,14 – 5,7
La contemplation peut être dite une échelle
Saint Jean de la Croix
La nuit obscure, Livre II, chapitre 18, OC, p. 1035s

L’échelle sert à escalader les forteresses pour dérober les biens et les trésors qu’elles renferment, de même la contemplation fait monter l’âme, sans qu’elle sache comment, jusqu’au ciel pour en découvrir et en emporter les trésors et les biens. C’est ce que le psalmiste (83,6-8) donne à entendre : Bienheureux l’homme, Seigneur, qui reçoit de toi assistance : il a disposé les degrés dans son cœur, dans la vallée des larmes, dans le lieu qu’il a choisi. Ce qui revient à dire : ils emporteront les trésors de la forteresse de Sion qui ne sont autres que la béatitude.
De même que les degrés de l’échelle qui servent à monter, servent aussi à descendre, ainsi dans la contemplation les mêmes communications qui élèvent l’âme jusqu’à Dieu l’abaissent en elle-même. Dans ce chemin, en effet, descendre c’est monter, et monter c’est descendre, car celui qui s’abaisse sera élevé, et celui qui s’élève sera abaissé. De plus, la vertu d’humilité étant infiniment précieuse, Dieu, qui veut y exercer l’âme, la fait monter par cette échelle de la contemplation afin qu’elle s’abaisse, et la fait descendre pour la rendre capable de monter. Ainsi se vérifie cette parole du Sage (Proverbes 18,12) : Avant que le cœur de l’homme soit abaissé, il est exalté ; et avant qu’il soit glorifié, il est humilié.
En ne regardant les choses que naturellement, abstraction faite de ce qui surpasse le sens, il n’est que trop facile à une âme qui veut y prendre garde, de constater les hauts et les bas qu’elle souffre dans ce chemin. A peine a-t-elle joui de quelque prospérité spirituelle, qu’elle se voit assaillie d’une tempête et d’une tribulation comme si ce bien-être passager n’avait pour but que de la fortifier en vue de la disette qui va suivre ; de même après la misère et les tourments, voici l’abondance et la joie, en sorte que la fête est, pour ainsi parler, précédée d’une vigile et d’un jeûne.
Cette échelle de la contemplation, qui dérive de Dieu, est figurée par l’échelle mystérieuse que Jacob vit en dormant. Les anges, le long de cette échelle, descendaient de Dieu vers l’homme, et montaient de l’homme jusqu’à Dieu, et Dieu s’appuyait sur le sommet de l’échelle. Tout cela se passait durant la nuit, et tandis que Jacob dormait, afin de nous faire entendre combien cette voie, cette montée vers Dieu est secrète et se dérobe à la perception de l’homme.