Sur Jean 1,43-51
La promesse à Nathanaël

Père Yves-Marie Blanchard
L’Eglise, mystère et institution, selon le quatrième évangile, p. 50s

Le premier disciple, propre au quatrième évangile, est Nathanaël. Il entre en scène dès le chapitre 1, aux côtés d’André et de Pierre. L’importance stratégique de Nathanaël est soulignée par le fait que, comme André et Philippe, mais de façon encore beaucoup plus large, sa présence au chapitre 1 fait inclusion avec son retour en scène beaucoup plus tard, dans son cas, au chapitre 21. L’importance de Nathanaël tient à la teneur des paroles que Jésus lui destine. Alors que jusqu’à présent Jésus n’a prononcé que quelques mots, Que cherchez-vous ? Venez et voyez. Tu t’appelleras Céphas. Suis-moi, la promesse confiée à Nathanaël est d’une tout autre nature : Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois ! Tu verras mieux encore. Comme le suggérera le retour de Nathanaël au chapitre 21 pour l’ultime récit d’apparition pascale, c’est bien tout le déroulement de l’évangile qui constitue la somme des choses plus grandes annoncées par Jésus. De même la foi de ce disciple, reconnue par Jésus, Tu crois, anticipe la stratégie narrative du livre entier dont le narrateur confesse en conclusion du chapitre 20 qu’il a été écrit justement pour que vous croyiez.
Quant à la seconde promesse proposée à un auditoire élargi, Amen, amen, je vous dis, vous verrez…, incluant sans doute tous les lecteurs conviés à la découverte du livre, elle fait référence à la figure de l’échelle de Jacob, appelant ainsi à reconnaître en Jésus le Médiateur entre Dieu et les hommes. C’est en effet en lui et par lui que se trouve restaurée la communication entre ciel et terre, comme le suggère le mouvement incessant des anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme. Une telle densité du message eût sans douté mérité un interlocuteur hautement qualifié, pourquoi pas Simon, tout juste qualifié de Pierre. Il n’en est rien ! C’est à cet inconnu, dont le retour au chapitre 21 sera aussi discret, que revient l’honneur de recevoir l’une des clés essentielles au déchiffrement du quatrième évangile, à savoir que la personne et l’œuvre de Jésus sont à comprendre selon la perspective sotériologique de l’Alliance définitivement restaurée entre Dieu et les hommes. Il se trouve, en effet, que les cieux sont désormais pleinement ouverts et que plus rien donc ne pourra interdire l’accès de l’homme auprès de Dieu, et réciproquement. Ainsi Nathanaël, qu’on nous a présenté comme un sage expert dans le domaine des Ecritures, se trouve être le premier initié au mystère de Jésus. L’intelligence spirituelle et la capacité de saisir la profondeur de dessein de Dieu ne sont donc pas d’abord liées à une quelconque position institutionnelle : elles constituent plutôt un charisme personnel, lui-même fruit de l’Esprit Paraclet.