Sur Deutéronome 6, 4-25
L’amour de Dieu, essence de la Loi
Père Pierre Buis
Deutéronome, p. 128

Le passage bien connu que nous venons d’entendre, Ecoute Israël…, est une proclamation solennelle du premier commandement. Il constitue le Chema Israël, élément essentiel de la prière israélite aujourd’hui encore. Il transforme le précepte froid et tranchant du Décalogue en une exhortation chaleureuse qui éveille des résonnances dans toutes les fibres de l’être humain.
Dieu, notre Dieu est le seul Seigneur. Nous avons là, sous forme dogmatique, l’équivalent du tu n’admettras pas, à côté de moi, d’autres dieux. Cette formule pourrait d’ailleurs se traduire autrement : Dieu, notre Dieu, Dieu est Un ; c’est la traduction qu’a toujours soutenue le judaïsme. Une telle affirmation n’est certes pas superflue pour un peuple qui connaissait son Dieu à travers de multiples histoires saintes, qui l’honorait dans plusieurs sanctuaires qui tous pouvaient se réclamer de traditions vénérables. Avant l’effort unificateur dont le Deutéronome est un des principaux témoins, le danger était réel de laisser la personne du Dieu d’Israël se dissoudre en une entité vague et multiforme.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. C’est le premier et le plus grand des commandements, dira Jésus faisant écho à tout le judaïsme. On comprendrait assez facilement aujourd’hui ce précepte dans un sens plutôt sentimental, ce qui a souvent amené à chercher son origine dans la prédication d’Osée. En réalité, il s’agit d’une expression technique de l’Alliance empruntée au langage diplomatique. Quand on voit le toi assyrien Assarhaddon imposer à ses vassaux, sous la menace, d’aimer son fils et successeur désigné Assourbanipal, on comprend que le mot n’appartient pas à la sphère du sentiment ! Aimer le Seigneur Dieu, c’est lui être fidèle, être loyal envers lui ; on retrouve là l’exigence essentielle qui constitue le premier commandement, mais avec cette nuance qu’il s’agit maintenant d’être loyal, non envers le texte d’un contrat, mais envers une personne. Il est bien évident que cette loyauté peut déboucher sur un véritable amour au sens moderne du mot.
De tout ton esprit, de tout ton être, par tous les moyens. Le Dieu unique d’Israël peut exiger de son peuple et de chacun de ses membres un attachement total qui engage toute la personne sans aucune réserve. C’est ce que vont développer les versets suivants, tout en revenant au sujet principal du livre : la fidélité aux exigences de l’Alliance ; l’amour loyauté envers le Seigneur se traduit concrètement par la fidélité à la règle de vie qu’il a donnée à son peuple. On a ici l’ébauche des formules bien connues de saint Jean : Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour… Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.