Sur 1 Samuel 17, 1-51

Le guerrier et le pasteur

 

André Wénin

David et Goliath, Connaître la Bible 3, p. 46-47

 

En fonction de cette description de Goliath, le guerrier, et de David, le pasteur, il semble faux de résumer leur opposition en termes de grand contre petit, comme le veut l’image courante. C’est bien plutôt en berger que David s’oppose au guerrier Goliath. Et ce n’est sûrement pas un hasard si cette antithèse se trouve aussi dans la présentation de David qui, à la différence de ses frères, n’est pas un soldat.

Arrêtons-nous un instant pour préciser les contours bibliques de cette opposition pasteur-guerrier. En réalité, le berger est l’image d’un certain type d’être humain. En effet, ce métier instaure une certaine relation entre un humain et des animaux dans la mesure où le berger prend en charge des bêtes en exerçant sur elles une certaine maîtrise pour leur bien et de manière substantiellement pacifique ou non-violente. Il se met au service de ses bêtes et de leur bien-être, et en retour, le troupeau lui fournit de quoi vivre, lait ou fromage, laine et peau, et, exceptionnellement, de la viande. Dans cette relation, le bien de l’un rejoint le bien de l’autre, logique d’alliance.

A l’opposé du berger et de sa relation pacifique avec l’animal, se situe le chasseur qui prouve sa supériorité et sa maîtrise sur l’animal en le mangeant après l’avoir tué. C’est la violence qui préside ici à la relation avec l’animal, vu comme une proie et nié au profit exclusif du chasseur. Le bien de l’un implique du mal pour l’autre, et la relation est à sens unique, logique d’envie, de convoitise, de concurrence. Quant au guerrier, sa figure est une variante de celle du chasseur, puisque c’est un homme qui fait la chasse à l’homme. Du reste, la logique est identique : violence, concurrence, loi du plus fort, désir d’accaparer pour soi, d’éliminer le rival, de le mettre à son service, etc. c’est bien là la logique exprimée par Goliath.

Sur un tel arrière fond, la paralysie de Saül er d’Israël prend un autre relief. Au verset 11, le narrateur décrit la terreur qui s’empare des soldats d’Israël. C’est qu’ils se situent dans la logique du guerrier où celui qui trouve plus fort que lui est réduit à l’impuissance par ce rival. Car la logique de concurrence est implacable. Elle se résume à un dilemme : lui ou moi. C’est pourquoi la logique du plus fort est aussi celle de la peur, celle qu’on peut lire dans les yeux de l’animal, aux abois qui attend sa mort certaine. Dès lors, on voit mal ce qui pourrait débloquer la situation de Saül et d’Israël, si ce n’est un changement de logique. C’est précisément ce qui se passe lorsqu’entre en scène le pâtre David, visitant ses frères au front « pour la paix ».