32° mercredi du temps ordinaire

Sur Ezéchiel 10,18-21 . 11,14-25

« Crée en moi un cœur pur »

Père Jean Steinmann

Le prophète Ezéchiel et les débuts de l’exil, p. 190s

 

Ce bel oracle que l’on vient d’entendre, en faveur des exilés, reprend presque mot à mot un enseignement que l’on retrouve ailleurs chez Ezéchiel ; il y ajoute une phrase qui fait allusion à la vision des rives de Kebar : Je serai pour eux un sanctuaire un certain temps, dans les pays où ils seront. Ezéchiel exprime la religion en esprit et vérité. Dieu devient lui-même le vrai sanctuaire des exilés, privés de Temple. Mais le prophète voit là une situation exceptionnelle et très provisoire, c’est pour un peu de temps. En outre, la nécessité d’un sanctuaire est telle que Dieu vient par sa personne même se substituer au Temple. Comme tous les auteurs de la Bible, Ezéchiel sait qu’un sanctuaire est indispensable aux croyants. La libre-pensée, la libre religion, le culte sans rites, sans sacrifices et sans temple sont hors de ses perspectives et ne trouvent aucune attache dans la Bible.

Mais les Judéens, déracinés et provisoirement apatrides, qui connaissent le sort affreux des « personnes déplacées, retrouveront leur patrie. Pour que ces retrouvailles soient définitives, Dieu changera les cœurs. Alors éclate la petite phrase la plus belle peut-être qu’ait écrite Ezéchiel : Je leur donnerai un autre cœur, je mettrai en eux un esprit nouveau, et l’extirperai de leur chair leur cœur de pierre pour leur donner un cœur de chair.

                   Pour Ezéchiel, comme pour toute la Bible, le cœur désigne tout l’intime de l’homme : l’intelligence, l’intuition, le sens du divin, ce que nous appelons l’âme. Plus avisés que nous, saint Augustin et Pascal conservèrent le sens biblique : C’est le cœur qui sent Dieu… Quant à l’esprit, c’est la force divine, le souffle créateur et prophétique.

Certes il serait excessif de glisser sous les mots d’Ezéchiel toute la théologie paulinienne et chrétienne de la grâce. Mais il est incontestable que c’en est la plus solide attache paléo-testamentaire. Pour Ezéchiel, cet oracle est comme une réponse consolante à la mission tragique dont Isaïe avait été chargé par Dieu : Appesantis le cœur de ce peuple…

L’auteur du psaume 50, le Miserere n’aura plus qu’à reprendre l’oracle d’Ezéchiel pour prononcer l’une de ces prières qui résonnent jusqu’à nous : Crée en moi, Seigneur, un cœur pur et rends à nouveau l’esprit ferme à ma poitrine. Mais quelle différence entre le prophète et le psalmiste ! Le premier promet à toute la communauté ce que le second se contente d’implorer pour lui-même. On passe de la nation à l’individu, de l’oracle absolu à la prière optative.