Sur Exode 12, 21-36
Pâte nouvelle, vie nouvelle

Baudouin de Ford,  
Le sacrement de l’autel, p. 317s

 Le peuple d’Israël emporta la pâte avant qu’elle n’eût levé. Les fils d’Israël furent empêchés de faire lever leur pain, à la fois par autorité du commandement divin, et parce que le temps pressait. Mais les circonstances de temps étaient au service des décisions divines : ce que Dieu ne voulait pas, il ne le laissa pas faire. Au moment où les Hébreux se préparent à quitter l’Egypte, ils reçoivent l’ordre de s’abstenir de ferment : le Seigneur l’ordonne, et l’Egyptien les presse, si bien qu’ils ne peuvent désobéir, le voudraient-ils. Mais une fois sortis d’Egypte, la même abstinence leur reste prescrite pour la manducation de l’agneau : ils n’obéissent plus alors sous la pression des circonstances, mais par libre volonté.

Ainsi lorsqu’on quitte le règne du péché et la vie frivole du monde, il arrive souvent que l’abstinence du péché, imposée par Dieu, soit observée tout autant sous la pression des circonstances. Mais ce qui, au début, a pu être forcé devient, à la longue, entièrement volontaire. Le péché est le vieux levain dont il faut s’abstenir tout au long des sept jours. Par ce levain, toute la masse a été corrompue en Adam, l’auteur de la transgression, et en ses descendants. D’où l’épithète de vieux : il relève du vieil homme. Très différent est le levain de justice dont il est écrit : Le Royaume des Cieux est semblable à du levain qu’une femme prend et cache dans trois mesures de farine. Le vieux levain, lui, corrompt et enfle, il s’oppose à la pâte nouvelle.

Cette pâte se compose de farine agglutinée par l’eau, sans ferment. C’est alors l’azyme. La pâte nouvelle, ou le pain azyme, c’est le Christ, étranger à toute corruption du péché. Et nous, si nous sommes broyés par la crainte et l’humilité, mouillés par les eaux du baptême ou de la pénitence, imprégnés de la grâce céleste, agglutinés par la charité afin que la multitude instable des convoitises décevantes ne nous divise pas, alors nous sommes pâte nouvelle et azyme. Purifiés du vieux levain, ayant abandonné la vie corrompue, nous recevons avec les Corinthiens l’avertissement d’être une pâte nouvelle, c’est-à-dire de rester sans levain, puisque la grâce a fait de nous des azymes, c’est-à-dire nous a délivrés du péché ; ou bien d’être une pâte nouvelle en pratiquent la justice, en marchant dans une vie nouvelle, nous qui avons été délivrés de la vieille vie corrompue. Si, en effet, la loi commandait de s’abstenir de levain pour manger l’agneau pascal qui n’était qu’une figure, combien plus faut-il s’abstenir spirituellement de levain.