Tobie 1, 1-22

Tobie, père et fils

Père Paul Beauchamp

Cinquante portraits bibliques, p. 229s

 

       Les écrits les plus anciens de la Bible (Genèse, Exode) revendiquent d’être crus, et garde dans leur manière quelque chose de l’autorité des lois, que d’ailleurs ils précèdent et accompagnent. En traçant les premiers pas de l’histoire, ils enferment les semences de ce qu’elle sera ultérieurement et jusqu’au bout. Le livre de Tobie n’a pas ce poids. Ecrit dans l’ambiance du judaïsme hellénistique, absent des livres hébraïques et connu de nous seulement à travers le grec, il se propose de reconstituer pour l’édification et l’agrément du lecteur la manière dont vivaient les juifs qui, après l’exil, s’étaient fixés dans le pays des vainqueurs. La famille Tobie habitait Ninive, mais voyageaient beaucoup pour affaires.

       Tobie se déroule en aval des récits de la Genèse, qui appartiennent dans leur majorité à la haute littérature. Nous trouvons ici le même cours d’eau, mais coulant dans la plaine. Un récit plus prolixe, accordant plus aux larmes, aux sentiments, aux détails qui font vrai. Mais la parenté avec les récits majeurs, avec les prototypes, est évidente.

       D’ailleurs, il s’agit de Tobie et Tobie. Portant le même nom, ce père et de fils représentent, sous forme imagée, le principe même de la Généalogie qui commande les récits de la Genèse. Attendrissante, une famille exilée en Perse accueille un tout jeune parent venu de l’étranger, s’exclame qu’il ressemble à son père, un père dont les traits s’étaient jusqu’alors effacés des mémoires. Après ce voyage, Tobie junior, devenu en route un adulte, retrouve à la maison son père aveugle. Tobie fils guérit alors Tobie père de sa cécité ; la boucle du grand voyage se referme sur le face à face d’un père et de son fils.

       Un prophète appelé Malachie s’est représenté ainsi la fin des temps, soit le cœur de la promesse. Le prophète Elie, annonce-t-il, ramènera le cœur de pères vers leurs fils, et le cœur des fils vers leurs pères. L’ancien vers le nouveau, le nouveau vers l’ancien. Ce retour n’est pas une répétition, c’est un accomplissement. En vertu d’une loi secrète de la vie, l’inouï, depuis toujours inconnu et seul espéré, est ce qui jaillit quand nous croyons être retournés sur nos pas.