Marc 10, 17-30

Tout quitter

Saint Pierre Damien

Sermon n° 9, PL 144, col 549-553

 

       C’est une grande chose, en vérité, de tout quitter, mais une plus grande de suivre le Christ, car, comme nous l’apprenons dans les livres, beaucoup ont tout quitté, mais n’ont pas suivi le Christ. Suivre le Christ est notre tâche, c’est notre travail ; en cela consiste l’essentiel du salut de l’homme, mais nous ne pouvons suivre le Christ su nous n’abandonnons pas tout. Car il s’élance en conquérant joyeux, et nul s’il est chargé d’un fardeau, ne peut le suivre.

       Voilà, dit Pierre, que nous avons tout quitté, non seulement les biens de ce monde, mais aussi les désirs de notre âme. Car, il n’a pas tout abandonné celui qui reste attaché ne fût-ce qu’à lui-même. Bien plus, cela ne sert à rien d’avoir abandonné tout e reste à l’exception de soi-même, car il n’y a pour l’homme de fardeau plus lourd que le moi. Quel tyran est plus cruel, quel maître plus impitoyable pour l’homme que sa volonté propre ? Par conséquent, il faut que nous abandonnions nos possessions et notre volonté propre, si nous voulons suivre celui qui n’avait pas d’endroit où reposer la tête, et qui est venu non pour faire sa volonté, mais pour faire la volonté de celui qui l’a envoyé.

       Il faut donc que nous quittions tout pour suivre le Christ seul, que nous nous efforcions de suivre le Christ seul, que nous nous attachions à sa bienveillante volonté avec un soin vigilant. Car il est certain qu’aussitôt nous connaîtrons, par expérience, ce que la Vérité promet à quiconque abandonne tout et marche à sa suite : Il recevra le centuple, dit-elle, et il aura en héritage la vie éternelle. Le don du centuple nous est en effet un réconfort pour la marche, et la possession de la vie éternelle fera notre bonheur pour toujours dans la vie céleste.

       Mais quel est ce centuple ? Simplement les consolations de l’Esprit doux comme le miel, ses visites et ses premiers fruits. C’est le témoignage de notre conscience, c’est l’heureuse et très joyeuse attente des justes, c’est la mémoire de la surabondante bonté de Dieu, c’est aussi, en vérité, l’immensité de sa douceur.

       Ceux qui ont fait l’expérience de ces dons n’ont pas besoin qu’on leur en parle. Et qui pourrait les décrire avec de simples mots à ceux qui ne l’ont pas faite ?