Marc 6, 45-52

confiance, c’est moi

Saint Augustin

Sermons au peuple, Sermon 75, 1-3, OC 16, p. 539s

       La lecture de l’Evangile de ce jour avertit l’humilité de chacun de nous de rechercher et de savoir où nous sommes, où nous devons tendre, où nous empresser d’arriver. Ne croyez pas qu’il n’y a aucune signification dans ce bateau qui portait les disciples, ce bateau qui luttait sur les flots contre les vents contraires. Ce n’est non plus sans motif que le Seigneur gravit la montagne pour y prier seul, ni que venant et marchant sur la mer il  trouva ses disciples en danger, les rassura en montant dans la barque et apaisa les vagues. Faut-il s’étonner que celui qui a tout créé puisse apaiser tout ?

       Il est bien vrai, le Seigneur, dans toutes ses actions, nous trace des règles de vie. Nous rencontrons, dans le voyage de la vie, des flots et des tempêtes. Il nous faut donc au moins un navire, et si sur ce navire nous courons des dangers, hors du navire notre perte serait certaine. Afin de traverser cette mer qu’est la vie, il nous faut être sur un navire, appuyés sur le bois. Et ce bois qui soutient notre faiblesse est la croix même du Seigneur qui nous préserve des gouffres de ce monde. Les flots se soulèvent contre nous, mais le Seigneur est Dieu, et il nous vient en aide.

       Si le Seigneur laisse la foule et va seul sur la montagne pour y prier, c’est que cette montagne figure le haut des cieux. Ainsi, en effet, le Sauveur, après sa résurrection, laissa les hommes et monta seul au ciel, où, comme le dit l’Apôtre, il intercède pour nous. Il y a donc un mystère dans cet abandon de la multitude et cette ascension sur la montagne pour y prier solitaire. Seul encore aujourd’hui, il est le premier-né d’entre les morts, et, depuis sa résurrection, placé à la droite de son Père pour y être notre pontife et l’appui de nos supplications. Ainsi le chef de l’Eglise est élevé afin que tous ses membres le suivent jusqu’au terme suprême. Et s’il va pour prier seul au sommet de la montagne, c’est qu’élevé au-dessus des plus nobles créatures, il prie réellement seul.

       Cependant le navire qui porte les disciples, figure de l’Eglise, est ballotté par la tempête et secoué par les tentations. Le vent contraire ne cesse pas, parce que le diable, son ennemi, travaille à l’empêcher de parvenir au repos. Mais notre intercesseur l’emporte, car, au milieu des secousses qui nous tourmentent, il nous inspire confiance en venant à nous et en nous fortifiant. Ayons soin de ne pas nous troubler sur le vaisseau, de ne pas nous renverser, ni de nous jeter à la mer. Restons sur ce vaisseau et prions Dieu. Celui qui donne aux navigateurs ordinaires d’arriver au port, laissera-t-il son Eglise sans la mettre au repos ?