Apocalypse 21, 9-27

Les portes qui conduisent à la vie

Saint Bernard

Sermon sur les douze portes de Jérusalem, OC 7, p. 101s

        Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Elle est étroite par la purification des péchés, bien plus étroite par la séparation du corps et de l’âme, excessivement étroite enfin par l’examen que fera le juge en dernier lieu. Qu’ils le disent les rachetés du Seigneur qu’il rassembla de tous les pays, du nord et du midi, du levant et du couchant. Le levant nous désigne l’innocence, le midi la justice, l’occident la pénitence, l’aquilon la miséricorde.

        A l‘Orient, c’est-à-dire dire par la porte de l’innocence sont entrés les innocents ceux qui, sachant mourir avant de parler, ont été massacrés pour le Seigneur ; par cette porte, passent les petits enfants régénérés par le baptême. Du Midi, c’est-à-dire par la porte de la justice sont arrivés les apôtres et les martyrs ; c’est avec raison que toutes les âmes parfaites sont comparées au midi, car le soleil fait, à ce point, une station plus prolongée, son ardeur y est plus vive, et la splendeur de sa lumière plus étincelante ; le soleil de justice ne se couche point en leur âme, il ne s’y attiédit pas, mais, bien plutôt il se fortifie et s’échauffe, comme il est écrit : Le sage se maintient comme le soleil, le sot change comme la lune ; or, combien les œuvres ont été brillantes dans les saints, combien brûlante la ferveur de la charité, c’est chose à imiter, bien plus qu’à, raconter. De l’Occident, c’est-à-dire par la porte de la pénitence est arrivée Marie-Madeleine, elle qui, à cause de ses péchés, était devenue la demeure des démons, mais, ensuite pénétrée par le regard de la grâce divine, elle a pleuré le repentir dans l’âme, et déployé envers son Sauveur, un amour singulier, et devint le temple de l’Esprit-Saint. C’est de l’Aquilon, c’est-à-dire par la porte de la miséricorde, qu’est arrivé ce larron dont parle l’Evangile, qui sortit du fond de l’ignorance et de l’iniquité, par le seul effet de la bonté de Dieu au moment même de sa mort, et fut ramené du bord de l’abîme de l’enfer, dans la région délicieuse du paradis.

        Il reste donc à voir combien ces quatre portes sont contraires, même entre elles, je veux dire combien l’innocence diffère de la pénitence, de la justice et de la miséricorde et réciproquement. En effet, celui qui est innocent ne cherche pas la pénitence, et celui qui est pénitent n’a point l’innocence. De même celui qui est juste n’implore pas la miséricorde, et quiconque est misérable n’a point la justice en partage.