Jean 17, 20-26

L’union spirituelle divine

Isaac de l’Etoile

Sermon 5, 18-19, SC 130, p. 157s

        La Parole toute-puissante, qui peut quand elle veut, ou plutôt en qui s’identifie pouvoir et volonté, déclare : Je veux, Père, que comme toi et moi sommes un, de même ceux-ci soient un avec nous. Ô volonté miséricordieuse, volonté de Dieu digne de Dieu, volonté pleine de grâce et de charité, volonté pleine de vérité, étant volonté de la Vérité ! Comme toi et moi sommes un, que de même ceux-ci soient un avec nous. Voilà jusqu’où va la promotion du serviteur, la réconciliation de l’ennemi : d’ennemi, il devient serviteur ; de serviteur, ami ; d’ami, fils ; de fils, héritier ; d’héritier il devient un avec l’héritage, ou plutôt il s’identifie avec lui ; et ainsi, pas plus qu’il ne pourra être privé de soi-même, il ne pourra être privé de l’héritage qui est Dieu lui-même. C’est pourquoi, il est dit : Dieu est ma part pour toujours. Voilà comment ils sont un avec nous.

        O unité unique ! Ô unité uniquement une ! Ô unité absolument nécessaire ! Ô unité pour laquelle il faut laisser toutes les douceurs du monde, supporter toutes les amertumes, fuir toutes les souillures, s’attacher à toutes les vertus ! Unité vers laquelle on court par la multiplicité des chemins, en laquelle dans la simplicité on s’arrête, on se repose, on se dilate ! Oh, si l’audace de l’expression était permise ! Oh, si l’on pouvait mettre en parallèle turpitude et beauté, souillure et chasteté, sommet de l’esprit et avilissement de la chair ! Rien de meilleur, de plus exact, de plus expressif pour faire entrevoir, dans nos ténèbres, cette union sainte, spirituelle, divine, que la comparaison avec son contraire.

        Rien de plus dissemblable dans la réalité, de plus semblable dans la comparaison. De même en effet que, dans l’instant de l’union charnelle, l’esprit tout entier passe dans la chair, sans aucune force, dans aucun contrôle de soi, oublieux de ce qui lui appartient, dans un sommeil de toutes ses préoccupations et soucis, de la même manière assurément ou plutôt bien mieux encore, l’esprit tout entier, dans une sobre ivresse, dans une faiblesse vigoureuse, sera tout-puissant en Dieu, goûtera une joie totale, lorsque, par la plénitude de la vérité, de la vertu, de la charité, il adhérera à Celui qui sera tout en tous les siens. Il le contemplera lui-même pour lui-même, il l’aimera pour lui-même, sans éprouver aucun charme à rien voir que celui qu’il aime, à rien aimer que Celui qu’il voit. La vision illuminera son amour, l’amour enflammera sa vision ; et ainsi, grâce à l’aide mutuelle de l’un et de l’autre, il parcourra le cercle de la félicité infinie, où seuls pourront marcher les saints : son amour le rendra digne de voir et de connaître, sa connaissance excitera son désir d’aimer. Il est en effet impossible de voir Dieu et de ne pas l’aimer ; Dieu ne saurait refuser de se montrer à celui qui l’aime.