Exode 33, 7-23 + 34,5-9 et 29-35

« Je te conduirai jusqu’à mon Repos »

Aelred de Rievaulx

Le Miroir de la Charité, chapitre 19-24, p. 72s

        Dieu interrompt l’intercession de Moïse pour lui dire : Je te conduirai jusqu’à mon Repos. C’est aussi vers ce repos que se dirigera l’Arche, guidée par Dieu à travers le désert ou, par la suite, vers Sion. L’entrée dans ce repos de Dieu apparaît dans la création, au septième jour. Chaque jour de la Création est grand, admirable, mais nul ne peut se comparer au septième : en lui, ce n’est pas la création de l’une ou l’autre nature qui est proposée à notre contemplation, c’est le repos de Dieu même, avec la perfection de toutes les créatures. Car nous lisons : Le septième jour, Dieu acheva son œuvre qu’il avait faite, il se reposa de toute l’œuvre qu’il avait créée. Ô grand jour ! O insondable repos, magnifique Sabbat ! Ah ! Si tu pouvais comprendre ! Ce jour n’est pas tracé par la course du soleil visible, ne commence pas à son lever, ne finit pas à son couchant : il n’a ni de matin, ni de soir.

        Et le premier jour ? Si tant est que l’on puisse l’appeler premier, car l’Ecriture ne dit pas premier jour, mais un jour. Comment, diras-tu, peut-on parler du deuxième jour, s’il n’en est pas un qui soit premier ? Il y eut un soir, il y eut un matin deuxième jour, et ainsi de suite. Je crois que ces paroles expriment la mutabilité de toute créature : sa défaillance et son progrès, son commencement et sa fin. Du septième jour, rien de tel : on ne lui attribue ni soir, ni matin, pas de fin ni de commencement : le jour du repos de Dieu n’est pas temporel, il est éternel. Tu imaginais Dieu travaillant dans le temps, et se reposant dans le temps, comme fatigué : ce n’était pas contempler Dieu, c’était fabriquer une idole. Prends garde ! Tu pourrais n’avoir pas d’idole dans le Temple de Jérusalem, mais en avoir dans ton cœur. Dieu n’a rien fait laborieusement, puisque Il dit, et ce fut. Il ne s’est pas reposé un certain jour, comme fatigué. Non, son repos, c’est son éternité. Il n’a pas créé pour se procurer un objet qui lui manquait ; il a créé par plénitude de charité. Il a créé les choses pour qu’elles soient, il les soutient pour qu’elles demeurent, et elles demeurent toutes. Avec douceur, il dispose toutes choses, toujours en repos dans sa très bienveillante charité. Tel est son immuable et éternel repos, telle son immuable et éternelle sérénité ; en parlant du repos de Dieu, le texte sacré mentionne très logiquement la perfection de toute créature : pour Dieu, se reposer toujours est la même chose que d’être toujours. La charité divine embrasse tout, pénètre tout, joint et allie les contraires dans une concorde paisible, de sorte que, dans la tranquillité de l’ordre fixé par Dieu, toutes choses se reposent, pour ainsi dire, dans une paix parfaitement sereine.