Zacharie11,4 – 12,8

Les pasteurs

Saint Bernard

Sermon 76, 9-10 sur Le Cantique des Cantiques, SC 511, p. 221s

          La nourriture des brebis se trouve en général dans les pâturages des Ecritures, qui sont comme le patrimoine du Seigneur. Mais il y a des distinctions à faire. Car il y a des commandements, imposés aux âmes endurcies et charnelles par la loi de vie et de sagesse ; il y a aussi des dispenses accordées aux cœurs malades et faible par souci de miséricorde ; il y a enfin l’aliment solide et ferme des conseils proposés par les profondeurs de la sagesse aux bien-portants, eux qui ont les sens exercés au discernement du bien et du mal.

          Les pasteurs bons et dévoués ne cessent d’engraisser le troupeau par de bons exemples bien choisis, mais surtout par leurs propres exemples bien choisis, plutôt que par ceux des autres. Car s’ils le font par les exemples d’autrui, non par les leurs, c’est pour eux une honte, et le troupeau n’en profite guère. Si, par exemple, moi qui suis censé exercer parmi vous la charge de pasteur, je vous présentais la mansuétude de Moïse, la patience de Job, la miséricorde de Samuel, la sainteté de David et d’autres semblables exemples de saints, et que je fusse moi-même dépourvu de douceur et de patience, de miséricorde et surtout de sainteté, ma parole, je le crains, vous semblerait moins savoureuse et vous en seriez moins friands. Mais je laisse à la divine bonté le soin de suppléer elle-même pour vous ce qui me manque, et de corriger elle-même mes erreurs. Or, le bon pasteur fera aussi en sorte, selon l’Evangile, d’avoir du sel en lui-même. Car il sait qu’une parole assaisonnée de sel est d’autant plus utile au salut qu’elle est plus agréable à entendre.

          Pour améliorer ou corriger les mœurs, qui ne reconnait clairement que la rigueur de la discipline est bien nécessaire, certes avec beaucoup de sollicitude. En effet, quiconque s’adonne à ce travail doit brûler du même zèle qui enflammait l’ami le plus jaloux de l’épouse du Seigneur, et qui lui faisait dire : Je suis jaloux pour vous de la jalousie de Dieu ; car je vous ai fiancés à un époux unique. Comment un pasteur ignorant pourra-t-il conduire les troupeaux du Seigneur dans les pâturages des divines Ecritures ? S’il est savant sans être bon, il faut craindre qu’il fasse plus de mal au troupeau par sa vie stérile qu’il ne le nourrira par tout son savoir. Aussi, dans ce domaine, est-il également téméraire  d’assumer une telle charge sans la science ou sans une vie digne d’éloges.