Esther 1, 1-12 + 2, 5-17

L’histoire d’Esther

Père Paul Beauchamp

Cinquante portraits bibliques, p. 236s

          La première scène du récit est un banquet. Elle nous apparaît dans une lumière de monde lointain qui auréole tout le livre. L’auteur nous promène à travers les usages de la table et du harem chez les Perses. Si Esther a le moyen de sauver son peuple, c’est parce qu’elle est devenue l’improbable reine juive du roi perse. Celui-ci voulait remplacer la reine Vasti, coupable de lui avoir résisté alors qu’il voulait la montrer à tous ses invités pour conclure un banquet. Elle s’y était refusée. Les sages consultés par le roi lui avaient répondu : Aucun mari ne sera plus obéi de sa femme, à moins que tu ne destitue la révoltée.

          Seule Esther est jugée assez belle pour être la nouvelle reine à la place de Vasti. Sa qualité de juive est ignorée de tous, y compris du roi. Son  cousin Mardochée l’accompagne et veille sur elle. Mardochée rencontrera à la cour un autre immigré, Aman. Amalécite par sa nation, Aman est un personnage choisi à dessein, car l’inimitié qui dresse son peuple contre Israël remonte aux jours de Moïse : Samuel s’en été souvenu en tuant de sa main le roi des Amalécites. Aman obtient du roi qu’un décret d’extermination soit porté contre tout Israël et que son ennemi Mardochée soit pendu à la plus haute des potences. Esther, alors, d’abord hésitante, surmonte son effroi et risque tout : Je suis de ce peuple que tu vas faire disparaître, dit-elle au roi. Coup de théâtre, on découvre au même moment que ce cousin d’Esther, de juif inconnu, Mardochée, jadis sauva la vie d’Assuérus. Sans rien laisser paraître, le roi demande à son pervers conseiller comment il honorerait le plus grand serviteur du pays. Croyant préparer son triomphe, l’Amalécite répond comment l’organiser, et apprend, trop tard, que le triomphe est prévu pour Mardochée, et la potence pour lui-même. Il en sera ainsi.

          Tout cela se conclut par des festins, et se célèbre encore de la même manière d’âge en âge. Une femme a changé les sorts. Ainsi est célébré le pouvoir de la beauté féminine à travers l’histoire d’Israël. La fête n’est complète que si l’on va jusqu’au bout, plus loin que le dernier moment, quand on est ivre, c’est-à-dire jusqu’à ne pas savoir lequel des deux est le bon. Le vrai juste et le vrai pécheur n’apparaissent que contre les apparences, au creux de la nuit. Notre foi ne dit pas autrement.