Luc 2, 16-21

Le silence de la Vierge

Cardinal Pierre de Bérulle

Opuscules de piété, 48, III, OC 3, p. 151s

 

Le partage de la Vierge est d’être en silence. C’est son état, c’est sa voie, c’est sa vie. Sa vie est une vie de silence qui adore la parole éternelle. En voyant devant ses yeux, en son sein, en ses bras, cette même Parole substantielle du Père, être muette et réduite au silence par l’état de son enfance, elle entre en un nouveau silence et y est transformée à l’exemple du Verbe incarné, qui est son Fils, son Dieu, son unique Amour. Et sa vie se passe ainsi de silence en silence, de silence d’adoration en silence de transformation.

Et c’est un de ces effets sacrés et divins du silence de Jésus de mettre la très sainte Mère de Jésus en une vie de silence. Silence humble, profond et adorant plus saintement et plus disertement la sagesse incarnée que les paroles ni des anges, ni des hommes. Ce silence de la Vierge n’est pas un silence de bégaiement et d’impuissance, c’est un silence de lumière et de ravissement. C’est un silence plus éloquent, dans les louanges de Jésus, que l’éloquence même.

C’est un effet puissant et divin dans l’ordre de la grâce, c’est-à-dire c’est un silence opéré par le silence de Jésus, qui imprime ce divin effet en sa Mère, qui la tire à soi dans son propre silence, et qui absorbe en sa divinité toute parole et toute pensée de sa créature.

Aussi est-ce merveille de voir qu’en cet état de silence et d’enfance de Jésus, tout le monde parle, et Marie ne parle point ; le silence de Jésus ayant plus de puissance de la tenir en un silence sacré que les paroles. Ni les anges, ni les saints n’ont de force de la mettre en propos et de la faire parler de choses si dignes de louanges, et que le ciel et la terre unanimement célèbrent et adorent. Les anges en parlent, entre eux-mêmes et aux pasteurs ; Marie est en silence.

Durant tout le temps de l’enfance de Jésus, nous n’avons que ces paroles qui nous soient rapportées de la conduite de la Vierge et de sa piété au regard de son Fils et des choses qui lui sont dites et accomplies en Lui : Marie conservait tout cela et elle le méditait dans son cœur. Voilà l’état et l’occupation de la Vierge, voilà son exercice et sa vie au regard de Jésus durant sa sainte enfance.