Genèse 28,10 – 29,14

L’amour de Jacob pour Rachel

Saint Jacques de Saroug

Homélie sur Notre Seigneur et Jacob, sur l’Eglise et sur Rachel

 

Jacob se leva, il vit les troupeaux assoiffés, mais il n’avait pas assez de force pour soulever la pierre qui fermait le puits et leur donner à boire. Tandis qu’il était là, Rachel vint vers les brebis ; dès qu’il la vit, Jacob retourna la pierre pour que boive le bétail. La vue de la beauté de Rachel le rendit en quelque manière plus fort : il put soulever l’énorme pierre et abreuver le troupeau. Sur le visage de Rachel, la figure de l’Eglise brillait comme pierres précieuses ; et le juste Jacob, son futur époux, s’élança vers ce visage. Il frémit dès qu’il vit l’épouse mystérieuse, plus belle que ses compagnes. Tout le bétail put boire l’eau du puits grâce à la  beauté de Rachel, à son amour et à son charme.

Ne pense pas, mon fils, qu’il y eut en Jacob passion charnelle, car, même en embrassant Rachel, il pleura en grande affliction. S’il avait éprouvé passion des sens, il n’aurait pas versé de larmes, puisque la passion, par sa flamme, engendre l’allégresse. Mais les pleurs résultent de souffrances et de peines, et là où il y a pleurs, et il n’y a point passion charnelle. Ce n’est donc pas de passion que brûlait Jacob, mais la souffrance des mystères du Fils de Dieu le tourmentait. En Rachel qu’il épousait, il voyait le symbole de l’Eglise. Aussi fallait-il qu’en l’embrassant, il pleurât et souffrit, afin de préfigurer par son mariage les souffrances du Fils.

Mais combien plus sublime encore la route du Fils que celle de ses hérauts ! Et combien plus belles les noces de l’Epoux royal que celles de ses ambassadeurs ! Jacob pleura pour Rachel en l’épousant : Notre Seigneur, de son sang couvrit l’Eglise en la sauvant. Les larmes sont le symbole du sang, car ce n’est pas sans douleur qu’elles jaillissent des prunelles. Les pleurs du juste Jacob sont la figure de la grande souffrance du Fils, par laquelle fut sauvée l’Eglise des nations. 

Viens, contemple notre Maître : il est venu de chez son Père dans le monde ; il s’est anéanti pour accomplir sa route dans l’humilité. Il a vu les nations comme des troupeaux assoiffés, et la source de vie fermée par le péché comme par une pierre ; il a vu l’Eglise semblable à Rachel : alors il s’élança vers elle, renversa le péché lourd comme un rocher. Il ouvrit pour son épouse le baptistère pour qu’elle s’y baignât ; il y puisa, il donna à boire aux nations de la terre, comme à ses troupeaux. De sa toute-puissance, il souleva le lourd poids des péchés ; pour le monde entier, il mit à découvert la source d’eau douce.