Actes des Apôtres 8, 4-25

La Parole de Dieu en Samarie

Daniel Marguerat

Les Actes des Apôtres (1-12), p. 285s 

La mise à mort d’Etienne, le proto-martyr, a déclenché une onde de choc dont le résultat est inattendu : une persécution conduite par Saul s’abat sur l’Eglise de Jérusalem dont les membres hellénistes fuient en Judée et en Samarie. Or, cette diaspora chrétienne va paradoxalement servir l’évangélisation, ce qu’indique le premier verset : Alors, ceux qui avaient été dispersés allèrent de lieu en lieu en annonçant la Bonne Nouvelle de la Parole. L’épisode samaritain qui s’ouvre ici est haut en couleurs : dominé par la figure énigmatique de Simon le mage, il va de rebondissement en rebondissement et tient le lecteur en haleine. Qui sera victorieux dans la concurrence entre Philippe et Simon ? Pourquoi la grande colère de Pierre face à Simon ?

Ce morceau est typique du style épisodique de Luc, consistant à traiter des problématiques théologiques au travers de cas particuliers. L’auteur des Actes a le talent d’exposer l’anecdote qui fait sens. En l’occurrence, à l’occasion de l’évangélisation de la Samarie, il est guidé par le souci de raconter comment se constitue une nouvelle communauté chrétienne, et comment son intégrité est sauvegardée contre des tensions internes. Mais sur quel thème insiste l’épisode ? On s’aperçoit qu’il a été tour à tour lu comme un exemple de confrontation entre miracle et magie, comme la démonstration du pouvoir apostolique en Eglise, comme l’affirmation de la liberté de l’Esprit, comme une polémique contre la corruption de l’argent, comme un cas de conflit avec une dissidence charismatique, comme un épisode de la lutte du christianisme contre le syncrétisme religieux. L’intérêt de Luc pour la dimension éthique ou pneumatologique de l’incident n’est pas à nier. Il apparaît toutefois qu’au moment où l’Evangile se risque au-delà de Jérusalem, l’histoire de Simon conduit l’auteur à aborder le thème de la concurrence religieuse qu’affronte le christianisme, et singulièrement le risque que représente pour lui le syncrétisme religieux ; à cette occasion, il profite de poser la distinction entre charisme évangélique et manipulation du sacré.