Luc 15, 3-7

La brebis égarée

Bienheureux Claude de La Colombière

De la miséricorde de Dieu, OC tome 4, p. 152s

 

David disait à Dieu : Seigneur, je me suis égaré comme un brebis perdue, aie la bonté de chercher ton serviteur. Cette prière paraît au premier abord incivile : c’est au serviteur à chercher son maître dont il a perdu les bonnes grâces et non pas au maître à chercher le serviteur qui lui a été infidèle. Mais nous sommes si malheureux qu’après avoir fait tant de chemin en fort peu de temps pour nous égarer, nous ne saurions faire un seul pas pour nous remettre sur le bon chemin, et, si notre Dieu n’a pas la bonté de courir après nous pour nous arrêter dans notre fuite, nous fuirons éternellement et ne retournerons jamais à son service.

Admirez, frères, le zèle et l’amour de ce bon Maître. Nous n’avons pas plus tôt perdu son amitié, en l’offensant, que, tout alarmé de ce malheur qui nous est pourtant arrivé par notre faute, il se met à nous poursuivre avec des cris qui nous disent admirablement bien l’émotion de son cœur. Cette conscience qui se trouble, tout d’un coup éclate en mille plaintes, en mille reproches. Cette conscience n’est pas la voix du démon, puisqu’elle nous porte au bien ; ce n’est pas notre propre voix puisqu’elle parle malgré nous et contre nous. Il faut donc que ce soit la voix de Dieu. Et c’est pour cela que tout ce qu’elle dit est comme infaillible, que ce sont comme autant de lois sur lesquelles nous serons jugés. Que ne vous dit-elle point, cette voix secrète ? Si Dieu avait quelque grand intérêt à vous conserver, si, en vous perdant, il avait pour ainsi dire perdu la moitié de son royaume, serait-il, ou plus prompt à vous rappeler, ou plus assidu à vous représenter le péril extrême où vous êtes, ou plus souple pour s’insinuer dans votre cœur, ou plus constant à rechercher votre amitié ? N’est-il pas vrai qu’il ne cesse de vous mettre devant les yeux tout ce qui est capable de vous toucher : l’incertitude de la mort, les peines de l’autre vie, ses bienfaits, ses récompenses, sa justice, son amour, sa miséricorde ? N’est-il pas vrai qu’il vous poursuit en tout temps, en tous lieux, dans la solitude, au milieu des assemblées ? Il se trouve partout. Il prend occasion de tout ce qui se présente à vous pour vous parler de réconciliation, pour vous offrir sa miséricorde.