1 Rois 1,11-35 + 2,10-12

David, Salomon et le Christ

Père Yves-Marie Congar

David et Salomon, Types du Christ en ses deux avènements, VS 91, p. 308s

 

          L’institution royale n’a été octroyée à Israël par Dieu que sur la demande du peuple qui voulait avoir un roi comme les autres peuples. Elle ne pouvait être la royauté de son peuple que si elle était selon sa volonté communiquée ou interprétée dans sa parole par ses prophètes. David a été un roi selon le cœur de Dieu, le type de toute royauté dans le peuple de Dieu parce qu’il a obéi aux inspirations prophétiques ; son âme religieuse si délicate est inséparable de sa fonction royale : il se tient dans une perpétuelle dépendance à l’égard de Dieu. Ainsi, par son caractère, David a réalisé le type de roi que Dieu voulait et qu’essayait de façonner les prophètes, le type royal que Jésus lui-même accomplira et dont il nous donnera la plus expresse révélation, un roi doux et humble de cœur, délicatement attentif aux intentions divines et au service des hommes. Surtout, David a présagé d’une façon remarquable les abaissements de Jésus-Christ : comme Jésus, David est insulté et moqué par ceux envers lesquels il a usé de bonté. Comme David, qui rentrera dans sa royauté d’une façon plus totale que jamais après avoir passé par bien des humiliations, Jésus entrera dans son règne par l’agonie et par la croix.

          De tels traits sont absolument absents du règne de Salomon qui, à aucun moment, ne présente un type de roi humilié et souffrant, mais au contraire un type de souverain jouissant, dans la paix et la gloire, de la plénitude de sa puissance.

          Dans sa consécration, opérée par la double autorité du prêtre Sadoc et du prophète Nathan, Salomon réalise une image de plénitude. Son règne est un règne de gloire et de triomphe total ; sa physionomie est caractérisée par la pleine jouissance et la parfaite coïncidence, en lui, de la puissance et de la science. Ce sont là des traits relevant de la condition eschatologique : ici bas, la puissance et la science ne se recouvrent pas, bien qu’elles y tendent, non plus que la puissance et la sainteté. Il y a même souvent entre elles des antinomies douloureusement ressenties. Souvent même, le plus saint ou le plus savant est, ici bas, opprimé par le plus puissant. Le rétablissement de toutes choses comportera aussi le rétablissement de l’ordre et de la justice à cet égard. Le Fils de l’homme, eschatologiquement, ne sera pas trahi, mais jugera : c’est Salomon qui en est le type plus que David, le roi trahi et souffrant, faible devant les méchants qui le persécutent.