1 Samuel 15, 1-23

Saül rejeté par Dieu

Père Paul Beauchamp

Cinquante portraits bibliques, p. 114s

 

          Le récit de l’activité de Saül est encadré par deux transgressions qui lui valent d’être rejeté. Il a célébré un rite sacrificiel en usurpant la place de Samuel à Gilgal, voyant cela Samuel lui fait savoir que sa royauté ne tiendra pas (1 Samuel 13,7-15) ; puis, par la suite, le butin que Saül aurait dû détruire au nom de l’anathème, il aurait admis qu’on le réserve pour un sacrifice (1 Samuel 15,15+21-23). Coupable ou non, c’est toujours d’un dépassement de ses limites qu’il s’agit ! Le schéma est d’autant plus frappant qu’Israël, jusqu’à l’exil préfèrera distinguer plus fermement les fonctions de roi, de prêtre, de prophète, alors qu’elles restent mêlées chez le premier roi, ce qui fait figure d’archaïsme. Telle action qui, au temps de Juges, était présentée comme une violence admise dans les mœurs, prend l’allure, dans la personne de Saül, d’une démesure inacceptable. Ainsi, Saül est prêt à tuer son fils pour observer un vœu (1 Samuel 14,44) : pareil trait, raconté sans sourciller pour Jephté (Juges 11,35-37), est réprouvé pour Saül. Il ira plus loin, voulant faire massacrer à Nob les quatre-vingt-cinq prêtres qui portaient le pagne de lin (1 Samuel 22,18), et ses hommes de main y répugnant, il en chargera un descendant d’Esaü ! Démesure, sacrilège, angoisse aussi, que seule pouvait calmer la cithare d’un beau jeune homme appelé David.

          David apparaît quand Saül décline. L’enfant David tue le géant philistin sans vouloir l’armure que le roi lui offrait, et les femmes l’acclament. Saül est jaloux. Il éprouvera envers David autant de haine que d’amour. Il en est comme le double, comme le double de ce soleil qui, du seul fait qu’il est soleil, le relègue dans la nuit. Peut-être le fruit le plus précieux de l’histoire de Saül est-il de savoir que cet homme fut aimé, de se souvenir de ses larmes que sa destitution fit jaillir chez Samuel qui en avait prononcé le verdict (1 Samuel 15,26 et 35). On ne peut s’empêcher d’imaginer que Dieu reproche à Samuel de pleurer sur la chute de Saül (1 Samuel 16,1) pour ne pas lui montrer qu’il pleure en même temps que lui.