1 Corinthiens 7,25-40 ou Apocalypse 7,9-17

Qui n’est pas pour le Christ est contre lui

Christian Feldmann

Edith Stein, juive, athée, moniale, p. 103s

         

          Le Carmel n’était pas un pis-aller et Edith Stein n’était de toute façon pas quelqu’un à se faire des illusions. Non, elle s’était décidée en toute connaissance de cause ; elle ne se retrouva pas par hasard confrontée à une existence réduite au minimum, cachée. C’est ce à quoi elle aspirait. Elle voulait vivre la spiritualité du Carmel, se dépouiller pour Dieu. C’est-à-dire renoncer totalement à notre volonté propre, comme elle l’exprima un jour, et nous livrer au seul bon vouloir de Dieu, remettre docilement notre âme tout entière entre les mains de Dieu pour qu’il nous transforme.

          Devenir vide devant Dieu, apprendre à se détacher de soi, le laisser agir en soi, cela n’a rien à voir avec les plaisirs égoïstes que peuvent procurer certains états d’âme religieux. Cela ne signifie pas non plus être insensible aux problèmes du monde, bien au contraire. Les hommes et les femmes qui ne s’acharnent plus à imposer leurs propres vues, mais s’offrent à Dieu, deviennent libres d’accomplir son œuvre et de transformer le monde. Fascinée, Bénédicte de la Croix évoque la figure des grandes mystiques de l’histoire de l’Eglise qui, totalement et silencieusement plongées en Dieu, ont acquis un sens extraordinairement aigu des malheurs de leur temps et sont devenues des réformatrices.

          Seul un moi fort peut s’offrir. Qui n’a pas une emprise totale sur lui-même ne peut pas agir vraiment librement et peut se laisser imposer certaines choses ; seul celui qui s’accepte lui-même et est maître de soi est capable de l’amour total qui est le sceau de la foi.

          Sœur Bénédicte ne se contentait pas d’élaborer des constructions théologiques de haut vol. Elle en tirait également des conséquences radicales en ce qui concerne la manière d’être chrétien au quotidien. Chacun d’entre nous se trouve toujours sur le fil du rasoir, entre le néant et la plénitude de la vie divine. Durant l’enfance de la vie spirituelle, le futur du croyant est encore ensoleillé. Mais celui qui appartient au Christ doit suivre jusqu’au bout la voie qu’il a tracée. Cela signifie qu’il doit aller à la croix, entrer dans l’obscurité du Dieu qui se tait. Le Christ oblige à choisir : qui n’est pas pour lui est contre lui.