Ephésiens 1,1-14 ou Ephésiens 1,16-2,10

La Vierge silencieuse

Hélène Lubienska de Lenval

Le Silence à l’ombre de la Parole, p. 79s

De toutes les créatures humaines, aucune n’atteint d’aussi près la mesure de la stature du Christ que sa Mère, la Vierge Silencieuse. Or, c’est elle précisément que, pendant quatorze siècles, les chrétiens ont représentés, dans les Dormitions, sous la forme d’un petit poupon dans les bras de son Fils. Thème religieux parmi les plus beaux et les plus riches, qui a inspiré des mosaïques splendides ; il a été abandonné depuis qu’on a entouré la mort d’un appareil funèbre. Pour les chrétiens d’autrefois, mourir, c’était naître à la Vie Eternelle, et le jour de la mort était appelé naissance. Quand l’heure de la délivrance eut sonné pour la Vierge, le Christ vint au-devant d’Elle, et selon la délicieuse expression de Jacques de Voragine : L’âme de la Mère s’élança dans les bras de son Fils. Il la tenait serrée sur son cœur, comme jadis elle l’avait tenu. Il venait accomplir en Elle la promesse que Dieu avait faite aux Elus par la bouche d’Isaïe : Vous serrez allaités et portés sur les bras et caressés sur les genoux, comme un homme que sa mère console.

Devenir petits enfants dans les bras de Dieu, voilà le terme de la croissance spirituelle.

La maturité spirituelle peut donc être envisagée de deux manières : soit comme terme de croissance, achèvement triomphal, selon le symbolisme de saint Paul, soit comme transformation et repos selon le thème de l’Evangile, du psaume 131 et d’Isaïe, thème si joliment repris dans les Dormitions. Images apparemment contradictoires puisque l’une nous demande de quitter l’enfance, et l’autre d’y retourner, images en réalité complémentaires, car la maturité spirituelle est, d’une part, conformité au Christ, ce qui demande bien des luttes et des détachements, mais, d’autre part, elle est aussi union à Dieu dans la paix, le silence et l’abandon.

S’il est bon de regarder le monde visible comme une image du monde invisible, il ne faut pas oublier que parfois, tel est le reflet des montagnes dans le lac, l’image est renversée.