Matthieu 14, 22-33

La tempête apaisée

Origène

Commentaire sur Matthieu, SC 162, p. 287s

         

          Jésus contraint ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, le temps de renvoyer les foules. Les foules ne pouvaient pas partir sur l’autre rive, vu qu’elles n’étaient pas des Hébreux au sens spirituel du mot, ce qui se traduit : « les gens de l’autre rive ». Cette œuvre était celle des disciples de Jésus : partir pour l’autre rive, dépasser le visible et le corporel, réalités temporaires, arriver les premiers vers l’invisible et l’éternel. Jésus renvoie les foules parce qu’elles se trouvent en bas, le désert est en bas, et lui, après avoir contraint ses disciples à monter dans la barque pour rejoindre l’autre rive, il gravit la montagne pour prier.

          Les disciples ne purent précéder Jésus sur l’autre rive : quand ils parvinrent au milieu de la mer, la barque fut tourmentée par un vent contraire et ils eurent peur. Vers la quatrième heure de la nuit, c’est-à-dire au petit jour, Jésus alla vers eux. Si Jésus n’était pas monté dans la barque, le vent n’aurait pas cessé d’être contraire à la navigation des disciples ; les navigateurs n’auraient pu achever leur traversée pour parvenir sur l’autre rive. Jésus voulait peut-être leur apprendre, par expérience, que, sans lui, il n’était pas possible de partir pour l’autre rive et d’y parvenir. C’est pourquoi il les avait contraints à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive. A peine avaient-ils réussi la moitié de leur traversée qu’il leur apparut. Tout ce que fit Jésus ensuite est écrit. C’était leur indiquer que celui qui va vers l’autre rive n’y parvient que si Jésus navigue avec lui. Qu’est-ce que cette barque dans laquelle Jésus contraint les disciples à monter ? Ne serait-ce pas la lutte contre les tentations et les circonstances difficiles ? Ne sommes-nous pas alors comme des gens que le Verbe a contraints, qui sont partis malgré eux, comme ces disciples que le sauveur a voulu exercer dans cette barque tourmentée par les vagues et le vent contraire ? Leur traversée achevée, les disciples touchèrent terre à Génésareth.

           Frères, Dieu est fidèle. Si le Fils de Dieu a contraint les disciples à monter dans la barque, c’est qu’ils étaient forts, capables d’atteindre le milieu de la mer, capables de supporter l’épreuve des vagues. Alors, ils seraient dignes du secours divin, de voir Jésus, de l’entendre parler, et, une fois Jésus monté à bord, ils seraient capables d’achever leur traversée et de toucher terre.