Matthieu 20, 1-16

Les ouvriers envoyés à la vigne

Saint Grégoire le Grand

Homélie 19, SC 485, p. 425s

 

              Le royaume des cieux est comparable à un maître d’un domaine qui embauche des ouvriers pour cultiver sa vigne. Que présente plus justement l’image de ce maître d’un domaine que notre Créateur qui gouverne ceux qu’il a créés et possède ses élus en ce monde comme le maître d’un domaine ceux qui travaillent pour lui ? Il a une vigne, l’Eglise universelle, laquelle, depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu à naître à la fin du monde, aura poussé autant de sarments qu’elle aura produit de saints. Ce maître embauche des ouvriers pour cultiver sa vigne, le matin, à la troisième heure, à la sixième, à la neuvième et à la onzième, parce que, depuis le début de ce monde jusqu’à sa fin, il ne cesse de rassembler des prédicateurs pour instruire le peuple des fidèles. Le matin de ce monde s’est écoulé depuis Adam jusqu’à Noé, la troisième heure de Noé jusqu’Abraham, la sixième d’Abraham jusqu’à Moïse, la neuvième de Moïse jusqu’à la venue du Seigneur, la onzième heure s’écoule de la venue du Seigneur jusqu’à la fin du monde. Alors ont été envoyés des prédicateurs, les saints apôtres, qui ont reçu plein salaire, bien que venus plus tard. Pour instruire son peuple, comme une vigne à cultiver, le Seigneur n’a jamais cessé d’envoyer des ouvriers : en formant les mœurs de son peuple, d’abord les Pères de l’Eglise, ensuite par les docteurs de la Loi et les prophètes, et à la fin par les apôtres, il a comme travaillé à la culture de sa vigne au moyen de tous ses ouvriers.

                 D’ailleurs, tout homme qui, sous une forme quelconque et dans sa mesure, a œuvré avec une foi droite, a été un ouvrier de cette vigne. Ouvrier le matin, à la troisième heure, à la sixième et la neuvième, tel est désigné l’antique peuple juif, qui, dans ses élus, depuis le début du monde, s’est efforcé d’honorer Dieu avec une foi droite, ne cessant de travailler à cultiver sa vigne. A la onzième heure sont appelés les païens à qui il est dit : Pourquoi restez-vous ici tout le jour à rien faire ? Ceux qui, en effet, tandis que la durée du monde s’était écoulée, si longue, avaient négligé de travailler pour leur vie, restaient tout le jour à ne rien faire. Mais, pesez frères, ce que, interrogés, ils répondent : C’est que personne ne nous a embauchés. Aucun patriarche, de fait, aucun prophète n’était venu à eux. Et que veut dire : Personne ne nous a embauchés pour le travail, sinon : Personne ne nous a prêchés les chemins de la vie ? Nous, paresseux pour le bon travail, que dirons-nous pour nous excuser, nous qui sommes venus à la foi presque dès le sein de notre mère, qui avons entendu les paroles de la vie dès le berceau, qui, en même temps que le lait du corps, avons puisé au sein de la sainte Eglise le lait des enseignements célestes ?