Amos 4, 1-13

Invitation ironique à multiplier les sacrifices

Pères Pietro Bovati et Roland Meynet

La fin d’Israël, Paroles d’Amos, p. 96s

 

                Le ton de ce passage, que l’on vient d’entendre, est éminemment ironique, plus encore sarcastique. Le Seigneur, en effet, ne saurait inciter les fils d’Israël à pécher ! Les nombreux impératifs ne fonctionnent pas comme des commandements, mais comme une dénonciation cinglante. En effet, tous les actes cultuels, conformes à la Loi et certainement exécutés scrupuleusement, conformément aux rites prévus, sont qualifiés par le prophète comme des rébellions, des péchés contre Dieu.

                La première caractéristique des actes cultuels est leur multiplicité : les fils d’Israël ne se contentent pas d’aller en pèlerinage, et en pèlerinage en divers sanctuaires, mais ils y multiplient les cérémonies. Les rites qu’ils y accomplissent sont multiples par leur diversité (sacrifices, dîmes, offrandes végétales, offrandes votives), multiples aussi par leur nombre. L’abondance des sacrifices est signe de générosité, mais probablement davantage encore de prospérité. Tant et si bien que l’on peut en arriver à se demander d’où viennent toutes ces richesses ! Le texte ne le dit pas explicitement, mais le suppose sûrement, étant donné le contexte de l’ensemble du livre d’Amos : la multiplicité des offrandes correspond en quelque sorte à celle des actes d’injustices envers les pauvres, dans la mesure où la grande richesse ne peut être que le fruit de l’exploitation des plus faibles. La dîme sera d’autant plus substantielle que les revenus seront abondants, et l’on sera d’autant plus généreux en offrandes volontaires que l’on possède beaucoup. Le culte serait donc une fois de plus une manière de consacrer l’injustice ; on prétend se justifier en sacrifiant une partie de ce que l’on a volé.

                Faire des offrandes ne consiste pas seulement à sacrifier une part de ce que l’on a, mais aussi à le consacrer à Dieu : le sacrifice est offert à Dieu pour l’honorer, pour signifier sa sainteté sublime, pour reconnaître que c’est Lui qui a donné ce que l’on possède. La multiplicité des pronoms possessifs (vos sacrifices, vos dîmes, vos offrandes), ainsi que l’insistance mise sur la publicité (proclamez, faites entendre) indiquent clairement que ce que recherchent les fils d’Israël n’est pas la gloire de Dieu, mais leur propre complaisance, leur propre gloire : Faites-les entendre, puisque c’est cela que vous aimez, fils d’Israël !