Amos 8, 1-14

La leçon d’Amos

Père Louis Derousseaux

Acheter le malheureux pour un peu d’argent, AS 56, p. 59s

 

                Il n’est pas facile de tirer une leçon des oracles d‘Amos. On ne peut y voir une condamnation pure et simple de l’économie marchande qui se développe alors. Paysan judéen, Amos a certainement contesté la civilisation urbaine qu’il détestait, mais il n’est pas un protestataire marginal. Amos n’a pas non plus de projet politique : lui qui vient du royaume du sud, n’a pas d’illusion sur la portée des événements politiques de son époque ; au contraire il les critiquera sévèrement.

                Le projet d’Amos consiste à remettre Israël en face du Dieu de l’Alliance : Israël, prépare-toi à rencontrer ton Dieu ! (4,12), à faire la critique de tous les régimes et de toutes les situations, à partir du lien unique de l’Alliance : Ecoutez cette parole que le Seigneur prononce contre vous, enfants d’Israël, contre toute la famille que j’ai fait monter du pays d’Egypte : « Je n’ai connu que vous de toutes les familles de la terre, c’est pourquoi je vous châtierai de toutes vos fautes (3,1-2).

                Amos n’a pas cherché à changer le droit : il exige seulement qu’on en retrouve l’esprit : Que le droit coule comme de l’eau, et la justice comme un torrent intarissable (5,24). Il a cherché de toutes ses forces à faire reconnaître concrètement la fraternité de tous ceux que Dieu a élus, dont il est la Fierté et aussi le vengeur ; il a essayé de faire respecter le droit du pauvre dans un peuple de frères. Il rejoignait ainsi l’intention profonde du code de l’Alliance : sous son influence et sous celle d’Osée, le Deutéronome tentera d’imposer cela par un code plus adapté. Mais Amos ne rêve pas de revenir à une civilisation sans argent : un tel rêve consisterait à vouloir supprimer la puissance sans visage en laissant subsister tous les autres. Il veut que le Seigneur soit toujours le garant du droit et de la justice dans les relations entre frères, que l’argent, tel une idole de remplacement, ne vienne pas tout pourrir. N’est-ce pas annoncer la leçon de la parabole du gérant malhonnête ?