Isaïe 3, 1-15

L’anarchie s’installe

Edmond Jacob

Théologie de l’Ancien Testament, tome II, p. 129s

 

              L’image d’une Jérusalem où les juges seront irréprochables et celle d’un oint qui sera le garant du droit sont au centre des oracles de ce prophète. Le droit divin est pour lui le plus grand des biens du salut. A cette époque, l’autorité civile au sens large doit assumer la responsabilité de rendre la justice.

              Les textes qui annoncent le renouvellement de la ville de Dieu et le règne de l’oint montrent qu’aux yeux d’Isaïe le droit divin n’est pas un but en soi, mais qu’il prend son sens seulement dans un contexte plus vaste de nature politique. De nombreuses déclarations d’Isaïe témoignent d’une pensée politique étonnamment vive : le prophète se préoccupe des formes politiques qui conviennent à la communauté fondée par Dieu, ainsi que des fonctions dont cette communauté a besoin.

              Isaïe conçoit d’emblée le peuple de Dieu comme une ville ; c’est en tant que ville, avec toutes ses fonctions, que Jérusalem sera renouvelée à la fin des temps, c’est dans cette ville que les rachetés se réfugieront. Tout ce qu’Isaïe dit sur le salut et le renouvellement d’Israël repose sur cette idée de ville. Signalons un témoignage de l’intérêt qu’Isaïe porte aux problèmes de l’Etat : avec la disparition des fonctionnaires légitimes, le prophète présente quelque chose qui ressemble presque à la destruction de l’Etat et de ses structures : avec la disparition des fonctionnaires légitimes, juges, officiers, anciens, l’anarchie s’installe. De la lie du peuple surgisse surgissent, pour occuper les fonctions officielles, des gamins et des politiciens marrons : le jeune garçon s’en prend au vieillard, le manant s’en prend au noble, et on cherche quelqu’un pour régner sur ce tas de ruines. C’est dans ce vaste contexte politique que prennent place les accusations d’Isaïe contre ceux qui violent le droit de Dieu.