Matthieu 22, 34-40

Le plus grand commandement

Saint Augustin

Discours sur le psaume 140, 2, Tome II, p. 1243s

 

          Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces et de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même, répond le Seigneur au pharisien qui  l’interroge pour l’embarrasser. De peur que ces deux préceptes ne lui paraissent peu considérables : Voilà, dit Jésus, qu’ils renferment toute la Loi et les prophètes.

          Tout ce que l’on peut concevoir d’utile, de dire, ou d’extirper des livres sacrés n’a d’autre but que la charité. Or, cette charité n’est point chose commune. Cette charité qui est propre aux chrétiens, saint Paul l’a définie, et bien qu’elle soit divine, donc infinie, Paul la circonscrit dans des limites qui la séparent de tout autre amour. La foi de la Loi est la charité, dit Paul. Il pouvait s’en tenir là, mais, parlant à des hommes instruits, il ajoute : La plénitude de la Loi, c’est la charité.

          Mais diras-tu, Qu’est-ce que la charité ? Quelles qualités doit-elle avoir ? Ecoute ce passage de l’Ecriture : La fin du précepte est la charité émanant d’un cœur pur. Un cœur pur dans la charité, c’est l’amour de l’homme selon Dieu ; puisque c’est ainsi que tu dois t’aimer toi-même, afin que la règle soit juste : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si tu n’as, pour toi, qu’un amour mauvais et inutile, quel avantage reviendra-t-il à ton prochain quand tu aimeras de la sorte ? Or, comment t’aimerais-tu d’un amour mauvais ? L’Ecriture nous l’insinue, elle qui ne flatte personne : qui te convaincra que, loin de t’aimer, tu vas même jusqu’à te haïr. Celui qui hait son âme, dit-on, aime l’iniquité. Crois-tu donc qu’aimer l’iniquité, ce soit t’aimer toi-même ? Illusion, mon frère. Aimer ainsi le prochain, c’est le conduire à l’iniquité, et ton amour sera pour lui un piège.

          Donc, la charité ainsi définie par l’apôtre a deux préceptes : l’un d’aimer Dieu, l’autre d‘aimer le prochain. Ne cherche rien d’autre chose dans l’Ecriture, et que nul ne vous enseigne un autre précepte. Un passage de l’Ecriture a-t-il de l’obscurité, la charité y est assurément recommandée : dans un passage clair, on trouve la charité clairement. Si l’Ecriture n’était jamais claire, elle ne serait point une pâture ; si elle n’était obscure, elle ne serait point un exercice. Cette charité qui crie d’un cœur pur, pour vous le dire en un mot, c’est le Christ.