Luc 10, 1-9

Les surprises de la grâce

Dom André Louf

La liturgie du cœur, Méditations à Sainte-Lioba III, p. 172s

 

           Le disciple de Jésus n’est jamais au bout de ses surprises. Suivre Jésus, c’est aller de surprise en surprise, les surprises de la grâce, les surprises de son amour.

          A ses futurs apôtres, Jésus fait d’abord remarquer que la moisson est grande, trop grande pour le peu d’ouvriers qui sont de toute façon insuffisants ! Or cette constatation, n’amène aucunement Jésus à lancer un vibrant appel aux volontaires ; il ne dit pas : Engagez-vous ; il dit seulement : Priez, car il appartient au Maître de la moisson d’envoyer des moissonneurs, non pas à l’homme de se prévaloir de sa générosité, mais à la grâce qui choisit qui elle veut.

          Autre surprise : Jésus ne leur conseille pas de s’entourer d’un maximum de moyens efficaces pour réussir. Il leur demande de partir en pauvres : ni bâton, ni besace, ni sandales aux pieds, aucune campagne publicitaire, pas de sourire pour gagner les cœurs à peu de frais : Ne vous attardez pas en salutations sur la route. Son Royaume dispose de ses propres moyens et de sa propre force, que trop de moyens humains risquent toujours de compromettre.

          Le succès n’est d’ailleurs nullement assuré dans l’immédiat. Pour en convaincre ses futurs apôtres, Jésus utilise une image qui n’a rien de rassurant, et peut même paraître cyniquement cruelle : Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Le futur apôtre risque donc sa vie. En tout cas, s’il survit à l’aventure, il est à peu près certain d’avoir à essuyer des rebuffades et des brimades. Elles font partie du programme. S’ils m’ont haï, dira Jésus, ils vous haïront, vous aussi, car le disciple n’est pas au-dessus de son maître.  

          Et quel message annoncer ? Il est réduit à sa plus simple expression, six petits mots seulement : Le règne de Dieu est tout proche de vous. Pas de catéchèse compliquée, pas ou peu de morale, et surtout ni prix d’excellence pour les uns, ni mise en accusation des autres. Au contraire : Vos péchés sont pardonnés ; Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs ; Les pécheurs vous précèderont dans le Royaume.