Isaïe 30, 1-18

La transparence de l’amour

Père Louis-Albert Lassus

Les nomades de Dieu, p. 88s

 

          Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres, a dit Jésus (Jean 15,12). Ce que je remarque immédiatement dans la façon dont le Christ a aimé, c’est cette humanité, cette tendresse, dont parlera saint Paul à son disciple Tite (3,4) : Voici qu’est apparu l’humanité et la bénignité de Dieu, notre Sauveur. Saint Bernard, lui, dira du Seigneur qu’il fut tout entier de chez nous, en même temps, bien sûr, tout entier de chez lui. Ce qui signifie que le Verbe de Dieu s’est assis à nos tables de la terre pour que nous puissions nous asseoir avec lui à la table du ciel ; il s’est mêlé à nos plus humbles joies, à nos quotidiennes peines, essayant de rendre plus heureuse la vie de la terre, et plus lumineuse, parce que, lui, Dieu, était avec nous. Voilà pourquoi je me dis que nous ne pouvons être la transparence de son amour que dans la mesure où, avec simplicité et joie, nous saurons nous aussi nous asseoir à la table des autres.

          J’ai toujours redouté les personnes surnaturelles. Ah ! Qu’elles sont dangereuses ! Je préfère de beaucoup celles qui, parce qu’entièrement passées en Dieu, sont tellement humaines, de cette belle humanité de Jésus-Christ ! Mais c’est tellement plus coûteux, car cela exige tant de pauvreté, tant de silence, tant d’oubli de soi et de conversion du cœur. Alors seulement sont éliminés l’orgueil et l’ambition, l’égoïsme sous toutes ses formes, la sensualité, la colère, tout ce mauvais fond  qui nous empêche de nous ouvrir aux autres, de les recevoir, comme nous reçoit le Pasteur du monde qui se comparait justement à une porte si largement ouverte que les brebis pourraient entrer et sortir à leur guise et trouver leur joie. Elle est étonnante la parole de Jésus : Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurait que Je Suis (Jean 8,27). Ne nous révèle-t-elle pas qu’il nous faut être élevés nous-mêmes, c’est-à-dire dépossédés, crucifiés, en un certain sens, pour être enfin transparence, laisser-passer de l’amour ?