Jérémie 1, 1-19

Le vœu de chasteté

Clémentine Beauvais

Sainte Marguerite-Marie et moi, p. 35s

 

          Marguerite, elle ajoutera un Marie à son prénom à l’âge de vingt-deux ans, lors de sa confirmation, avec sa mère Philiberte, son père Claude, et ses quatre frères sont une famille très pieuse. Dès l’éveil de sa vie consciente, la petite fille conçoit envers le péché une révulsion organique. Dès qu’on veut calmer ses ardeurs enfantines, il suffit de lui dire que Dieu ne serait pas content, immédiatement le caprice se termine.

          A l’âge de cinq ans, Marguerite fait le vœu suivant : « Mon Dieu, je vous consacre ma pureté et vous fais vœu de perpétuelle chasteté ». Dit comme ça, on n’y croit pas une seconde ; on connaît tous des enfants de cinq ans, et on sait bien qu’ils ne disent pas des choses comme : « Mon Dieu, je vous consacre ma pureté et vous fais vœu de perpétuelle chasteté ». Ils n’auraient pas la moindre idée de ce que ça veut dire.

          Sauf que justement, quand Marguerite-Marie nous raconte cet épisode dans ses mémoires, elle confirme… qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce que ça voulait dire. Elle dit ces mots sans comprendre leur sens. En particulier, elle ne comprend ni le mot vœu, ni le mot chasteté ; voilà bien des mots assez importants à comprendre quand on prononce un vœu de chasteté ! Le manque de sens, cependant, ne l’empêche, ni de dire ces mots-là, ni de les redire : elle se sent poussée à les répéter encore et encore, « entre deux élévations à la messe », dit-elle, messe qu’elle suit, de son propre chef, à genoux sur la pierre froide. Elle ne comprend pas le sens de ces mots, mais elle perçoit intuitivement la puissance infinie d’amour qu’ils voilent, me soufflera plus tard un relecteur perspicace, et plus spirituel, de ce texte. Et on sait que les enfants, en effet, ont ce genre de perceptions intuitives.

          Donc on a dans ces souvenirs de toute petite enfance quelque chose qui est au-delà, ou en deçà, de l’intellectualisation, du conceptuel, du compréhensible. Ce n’est pas son cerveau qui dit la phrase : « Mon Dieu, je vous consacre ma pureté et vous fais vœu de perpétuelle chasteté ». C’est plutôt comme si quelque chose en elle promettait à sa place

          Ou quelqu’un, puisque, selon elle, c’est Jésus.