Habaquq 1,1 – 2,4

« Le juste vit de la foi »

Saint Augustin

De la Cité de Dieu, Livre XIX, chapitre 4, OC 24, p. 492s

 

          Frères, nous devons bien régler notre vie pour obtenir la vie éternelle et échapper ainsi au souverain mal, la mort éternelle. C’est pour cela qu’il est écrit : Le juste, par la foi, vivra, phrase que saint Paul redira après le prophète Habaquq. Nous ne voyons pas encore notre bien, il nous faut le chercher par la foi. La vie éternelle ne dépend pas de nous si notre foi et notre prière ne sont aidées par Celui qui nous a donné la foi elle-même, en vertu de laquelle nous attendons de lui notre secours. Or ceux qui cherchent en cette vie les fins des biens et des maux, plaçant le souverain bien, soit dans le corps, soit dans l’âme, soit dans l’un et l’autre à la fois, ou pour parler plus clairement soit dans le plaisir, soit dans la vertu, soit dans le plaisir et la vertu réunis ; soit dans le repos, soit dans la vertu, soit dans l’un et l’autre ; soit dans le plaisir et le repos, soit dans la vertu, soit dans ces trois choses ensemble ; soit dans les premiers dons de la nature, dans la vertu, soit dans ces dons avec la vertu ; ceux-là, dis-je, sont dans un aveuglement étonnant en croyant trouver le bonheur ici-bas et le trouver en eux-mêmes. A eux s’applique cette parole de dérision que la souveraine vérité fait entendre par la bouche du psalmiste : Le Seigneur connaît les pensées des hommes (93,11), parole que l’apôtre Paul reprend en ces termes : Le Seigneur connaît la vanité des pensées des sages (1 Corinthiens 3,20).

          La vertu, qui n’est point un des premiers dons de la nature, puisqu’elle ne vient s’y ajouter que comme un fruit de l’éducation, la vertu qui se place au premier rang parmi les biens de l’homme, que fait-elle sur cette terre ? N’est-elle pas en lutte continuelle contre les vices, non pas contre ceux de l’extérieur, mais contre ceux de l’intérieur, non point contre ceux qui nous sont étrangers, mais contre ceux qui nous sont les plus personnels ? Lorsque nous tendons au plus haut degré du souverain bien, que voulons-nous faire, sinon détruire en nous le vice et anéantir cet antagonisme contre les convoitises de la chair et les aspirations de l’esprit ? Malgré notre bonne volonté, nous ne pouvons arriver en cette vie à ce résultat ; mais du moins, avec l’aide de Dieu, faisons en sorte que l’esprit ne cède point aux désirs de la chair, et prenons garde de prêter jamais notre consentement au péché. Quel est l’homme si vertueux et si sage qu’il n’ait plus à combattre contre ses passions ?