Ezéchiel 2,8 – 3,11+16-21

Le volume mangé

Père Gaston Brillet

365 méditations sur la Bible ; Tome 3 : la prophétie, p. 114s

 

          Le prophète Ezéchiel voit une main. Elle est tendue vers lui et tient un volume, le seul forme d’un livre pendant longtemps : des feuilles roulées. Le livre a joué et jouera de plus en plus un grand rôle dans la religion d’Israël. La Loi a été écrite. Mais la découverte du Livre de la Loi, à l’époque de Josias et de Jérémie, a été un événement d’une immense portée. Et voici l’Exil où la religion juive va devenir une religion du Livre.

          Le volume que voit Israël est écrit au-dedans et au-dehors, signe que le texte abonde et déborde. Il est plein de lamentations et de plaintes, signe expressif du contenu moral du texte.

          Le prophète reçoit l’ordre de manger ce livre. Un message, à plus forte raison un volume, est reçu, pris, emporté, conservé… Celui-ci doit être mangé et l’homme n’y voit pas de difficulté. On saisit ici en quel ordre de réalités cela se passe. Les réalités sont spirituelles : le prophète donnera à la communauté ce qu’il aura gardé en lui-même, ce dont il se sera nourri. La première impression est qu’il a du goût. Le livre a la douce saveur du miel. Car ces paroles amères sont, pour celui qui les reçoit avec foi, vénération et obéissance, paroles de Dieu et paroles bonnes.

          Alors, voici la mission : Fils d’homme, va vers la maison d’Israël, et porte-leur mes paroles. Les prophètes ne sont pas envoyés à des tâches faciles et agréables, et Celui qui les envoie ne le leur cache pas. Ce Fils d’homme, qui n’est qu’un homme pris parmi les autres et un serviteur, trouvera en ses compatriotes des têtes dures et des cœurs endurcis. Mais Dieu le fortifiera. Il porte le nom d’Ezéchiel, qui veut dire : Dieu fortifie : Voici que je rends ton visage aussi dur que leur visage. Le prophète est averti.

          A nous, ce qui nous reste d’inoubliable de cette scène étrange, c’est qu’un message n’est pas quelque chose qui s’entend, qui se met dans l’esprit pour être examiné et interprété… C’est quelque chose qui se mange. La progression est sensible, on la croirait concertée entre les vocations des grands prophètes : un ange purifie les lèvres d’Isaïe par un charbon incandescent pris devant l’autel ; la main de Dieu touche les lèvres de Jérémie ; Ezéchiel mange le livre. L’homme, qui doit porter aux hommes un message, doit d’abord s’en nourrir et en vivre.