Matthieu 23, 1-12

« Qui s’abaisse sera élevé »

Dorothée de Gaza

Œuvres Spirituelles, SC 92, II, 35-36, p. 199s

 

          Voyez l’humilité des saints ! Voyez les dispositions de leur cœur ! Même envoyés par Dieu au secours des hommes, ils refusaient par humilité et fuyaient l’honneur. Les saints, revêtus des vertus, fuient la gloire humaine de peur d’en être souillés. Au contraire, ceux qui désirent la gloire ressemblent à un homme nu qui ne cesse de chercher un lambeau d’étoffe ou n’importe quoi pour couvrir son indécence. Ainsi, celui qui est dénué de vertus recherche la gloire des hommes.

            Envoyés par Dieu au secours d’autrui, les saints refusaient donc par humilité. Moïse disait : Je t’en supplie, prends un autre qui soit capable ; moi, je suis bègue, et ma langue est embarrassée. Et Jérémie : Je suis trop jeune ! Tous les saints en général ont acquis cette humilité par la pratique des commandements. Comment elle est ou comment elle naît dans l’âme, nul ne peut l’exprimer par des mots à quiconque ne l’a apprise par l’expérience ; personne ne saurait l’apprendre par de simples paroles.

            Un jour, l’abbé Zozime parlait de l’humilité, et un sophiste qui se trouvait là, entendant ses propos, voulut en avoir le sens précis : « Dis-moi, lui demanda-t-il, comment peux-tu te croire pécheur ? Ne sais-tu pas que tu es saint, que tu possèdes des vertus ? Tu vois bien que tu pratiques les commandements ! Comment, dans ces conditions, peux-tu croire que tu es un pécheur ? » Le vieillard ne trouvait pas la réponse à lui donner, mais il lui dit : « Je ne sais pas comment te le dire, mais c’est ainsi ! » Le sophiste cependant le harcelait pour avoir l’explication. Mais le vieillard, ne trouvant pas comment lui expliquer la chose, se mit à dire avec sa sainte simplicité : « Ne me tourment pas ; je sais bien, moi, qu’il est ainsi.

            Voyant que le vieillard ne savait que répondre, je lui dis : « N’est-ce pas comme la sophistique ou la médecine ? Lorsqu’on apprend ces arts et qu’on les pratique, on acquiert peu à peu, par cet exercice même, une sorte d’habitus de médecin ou de sophiste. Nul ne pourrait dire, ni ne saurait expliquer comment lui est venu cet habitus. Peu à peu, inconsciemment, l’âme l’a acquis par l’exercice de son art. On peut penser la même chose de l’humilité : de la pratique des commandements naît une disposition d’humilité, qui ne peut être expliqué par des paroles ». A ces mots, l’abbé Zosime fut rempli de joie et m’embrassa aussitôt en disant : « Tu as trouvé l’explication ; c’est bien comme tu le dis. Quant au sophiste, il fut satisfait et admit lui-aussi le raisonnement.