Ezéchiel 36, 16-34

Miséricorde divine

Père Paul Auvray

Ezéchiel, p. 109s

 

                En exil, Ezéchiel découvre qu’Israël n’est pas devenu le peuple saint qu’il avait espéré. Au milieu des nations, il a continué à profaner le saint nom de Dieu ; il ne mérite pas la restauration promise. Devant cette nouvelle déception, Ezéchiel est à la fois incapable de renier les principes que Dieu lui-même lui avait révélés et incapable de les appliquer exactement, car il ne peut ni renoncer à la plus irréfutable des évidences morales, ni imaginer que soit compromis, par la faiblesse des hommes, le plan de Dieu sur son peuple. Il ne voit d’autre solution que de recourir au mystère de l’arbitraire divin. Les lois de la justice demeurent, mais les exigences de la gloire de Dieu sont plus fortes. Dieu se doit de faire connaître aux nations sa puissance, il doit glorifier son nom. C’est pourquoi il sauvera le peuple d’Israël comme malgré lui ; en dépit de ses fautes, le peuple choisi bénéficiera de la protection divine.

                   Ainsi se fait jour l’idée que l’homme, incapable de se purifier lui-même et de mériter par ses propres forces, reçoit de Dieu une sanctification gratuite. Mais cette idée religieuse fondamentale n’était pas présentée chez Ezéchiel comme une précision de l’ancienne croyance en la miséricorde divine. Est-ce à cause de son incomplète élaboration qu’elle va se perdre pour longtemps avant que l’Evangile et saint Paul la reprennent. Réfléchissant sur la responsabilité individuelle, on ne retiendra que l’aspect de mérite personnel dans le salut, et la justice divine accordant la rétribution outre tombe fera oublier la miséricorde. C’est par cette négligence de l’une des plus profondes intuitions d’Ezéchiel que se nouera le drame de la pensée apocalyptique.

                   Ainsi comblé de la grâce, le peuple restauré ne demeurera pas éternellement rebelle. Sa conversion n’a pas précédé les bienfaits divins, du moins en sera-t-elle la conséquence. Il est vrai que cette transformation intérieure est, elle aussi, attribuée à Dieu, tant est vif chez Ezéchiel le sens de la toute puissance et de l’universelle providence de Dieu.

                   Ces promesses qui répondent à l’admirable prière du psaume 50 : Ô Dieu, crée pour moi un cœur pur soulignent le rôle de la grâce. Mais Ezéchiel ne méconnaît pas pour autant l’initiative humaine : Vous vous souviendrez de votre mauvaise conduite et de vos actions qui n’étaient pas bonnes. Vous vous prendrez vous-mêmes en dégoût à cause de vos méfaits et de vos pratiques abominables. C’est là une conversion au sens précis du terme. Tardive et péniblement obtenue, elle ne fait que marquer de façon plus évidente le triomphe final de Dieu.