Isaïe 29, 13-24

Perspective de la nuit qui va tomber sur Israël

Gerhard von Rad

Théologie de l’Ancien Testament, Tome II, p. 337s

 

                Le caractère caché de Dieu prend des traits nouveaux et énigmatiques dans la prédication des prophètes. Nous n‘avons qu’à suivre les paraboles les plus audacieuses par lesquelles les prophètes décrivent Dieu pour que cet aspect de leur message nous saute aux yeux : Dieu, l’amant éconduit (Isaïe 5,1-7), Dieu, le barbier (Isaïe 7,20), Dieu, piège pour Israël (Isaïe 8,14), Dieu, teigne d’Israël (Osée 5,12), Dieu, père adoptif d’un enfant trouvé et insoumis (Ezéchiel 16,4), Dieu fouillant les maisons de Jérusalem aux flambeaux (Sophonie 1,12).

 

                Il était strictement interdit à Israël d’adorer sous forme d’images dans son culte ; mais, quand il s’agissait d’expliquer l’action historique de Dieu, on le représentait par des comparaisons qui semblent offensantes pour sa dignité et sa sainteté. Le fait qu’on ait pu parler ainsi de Dieu, sans respecter les sentiments élémentaires de piété, qu’on ait même dû le faire pour discerner le véritable Dieu n’est pas le moindre signe que Dieu s’était caché aux yeux d’Israël.

 

                Le message d’Isaïe portait déjà la marque d’un insuccès total. Il avait été chargé de provoquer l’endurcissement. Il a accepté cette mission. Ce n’est probablement pas sans frémir qu’il a prononcé la parole annonçant que Dieu va accomplir en Israël une œuvre étrange, mystérieuse (Isaïe 28,21) ; mais après la première phase de son activité, déjà, Isaïe a prononcé une parole extrêmement paradoxale dans la perspective de la nuit qui allait venir sur Israël : il déclara qu’il attendait avec espérance le Dieu qui cache sa face à la maison de Jacob (Isaïe 8,17). Et on trouve le même message à la fin de son activité, message que nous venons d’entendre dans la lecture de l’Ecriture : Eh bien ! Je vais continuer à lui prodiguer mes prodigieux prodiges. La sagesse des sages tournera court, l’intelligence des intelligents s’éclipsera (Isaïe 29,14).