Luc 1, 26-38

Pleine de grâces

Père Renaud Silly

Dictionnaire Jésus, Article Marie, Mère de Jésus, 1, b), p. 637s

 

                A l’Annonciation, l’ange s’adresse à Marie en l’appelant Kécharitôméné (Luc 1,28), en grec, gratia plena, en latin, ou gratificata, dans les vieilles bibles latines. C’est un véritable nom nouveau que lui donne l’ange, comme il arrive aux personnages bibliques transformés par un contact intime et brûlant avec le divin. Jacob devient Israël après avoir lutté avec l’ange : son nom exprime ce qu’il est devenu. De même Simon auquel Jésus donne le nom de Pierre.

                Kécharitôméné est un participe parfait moyen du verbe charitoô qui signifie « gracier ». Le parfait exprime le résultat présent d’une action passé. C’est donc le temps par excellence du devenir auquel Marie appartient en tant que créature en laquelle Dieu a opéré selon sa puissance. Mais le parfait signifie aussi que cette transformation est devenue un état stable. La forme moyenne, quand à elle, suggère que cet état n’est pas passif, mais il est le résultat d’une opération du sujet  sur lui-même. Pour harmoniser les deux ordres de causalité qui se conjuguent dans le nom Kécharitôméné, il faut dire qu’il s’agit d’une transformation du sujet par lui-même, en vertu d’une opération surnaturelle reçue de Dieu. C’est donc une grâce, mais à laquelle le sujet coopère. Quant au concept de grâce induit par la sémantique du verbe lui-même, il signifie que Marie est devenue la pure créature qui a reçu la plus haute grâce, au point de devenir un maximum dans l’ordre de la grâce, d’une manière toutefois qui la fait coopérer à la grâce qu’elle reçoit. En tant que maximum dans l’ordre de la grâce reçue par une pure créature, Marie en devient cause pour tous les hommes. La grâce reçue par Marie n’est pas en effet un privilège, mais elle lui est donnée pour le bien de tous les hommes, car toute grâce est d’abord ecclésiale avant d’être individuelle. La grâce, qui la préserve de toute souillure, ne met donc pas Marie à part, mais au contraire au cœur de l’humanité. Elle est la plus humaine de tous les humains, libre ainsi de donner au nom de toute l’humanité son consentement à l’Incarnation.