Isaïe 5, 1-7

La vigne

Père Jacques Guillet

Thèmes bibliques, p. 200s

 

                La plus précieuse des récoltes est celle de la vigne. La vigne est en Israël le type de ce qui attache un homme au sol. Le péché de David avait été de prendre sa femme à Urie, le péché d’Achab est de dépouiller Naboth de sa vigne. Le péché des riches est de priver les pauvres de cette récolte : Vous avez brouté la vigne, la dépouille du pauvre est dans vos maisons (Isaïe 3,14).

                Lorsqu’Amos imagine la splendeur d’une Palestine florissant sous la paix de Dieu, il voit les moissons répondre aux vendanges et les récoltes se succéder sans interruption (9,13). Mais l’image de la vigne est privilégiée : Les montagnes ruisselleront de vin, toutes les collines en seront inondées.

                La vision de la terre couverte de vignobles magnifiques en appelle une autre plus haute : le pays tout entier se transforme en un immense domaine planté par Dieu : Je les planterai sur leur sol, et jamais plus ils ne seront arrachés de leur terre (Amos 9,15). Osée (10,1), le premier donne son nom à cette plantation : c’est une vigne : Israël est une vigne luxuriante chargée de fruits.

                Si Dieu a fait de son peuple une vigne, c’est que son cœur s’est livré. Il ne peut oublier les jours de la jeunesse (Osée 2,17) et des fiançailles, et ce souvenir, qu’il ne peut effacer, a le goût de la vigne : Comme les raisins dans le désert, j’ai trouvé Israël (Osée 9,10).

                Pour Isaïe, le thème de la vigne est un thème d’amour. Dans son œuvre brûlante, calcinée par le souffle de Dieu, le poème de la vigne, au titre mystérieux, jaillit avec la fraîcheur d’une source : Je vais chanter pour mon bien-aimé le chant de mon bien-aimé sur sa vigne. Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Il en remua le sol, il en ôta les pierres. Il la planta de ceps exquis. Tant de soins, tant d’amour furent vains : Il attendait qu’elle donnât du raisin, mais elle donna du verjus (Isaïe 4,5). Déçue, la tendresse de Dieu se tourna en malédiction : J’en ferai un désert, elle ne sera plus taillée, ni cultivée ; il y poussera la ronce et l’épine (5,6).

                Eternels rejetons de la terre maudite, la ronce et l’épine ne semblent croître à l’aise que sur les terrains d’où l’amour de Dieu, ayant épuisé ses ressources, a dû se retirer. Ce trait était déjà notable chez Osée ; il est tout à fait remarquable que, chez Isaïe, ce soit à la vigne qu’elles succèdent.