Isaïe 21, 6-12

« Au long des veilles, je médite sur toi »

Saint Augustin

Discours sur les psaumes, Tome II, p. 1120s

 

                 Au long des veilles, je médite sur toi. Qu’est-ce que veiller ? C’est ne pas dormir. Qu’est-ce que dormir ? Il y a un sommeil de l’âme, il y a un sommeil du corps. C’est pour nous tous une indispensable nécessité de dormir corporellement : privé de ce repos bienfaisant, l’homme se fatigue, le corps perd ses forces, car il est trop faible pour supporter longtemps l’action d’un esprit vif et appliqué à des choses sérieuses ; laissez à votre âme toute sa liberté, qu’elle s’occupe continuellement, vous verrez bientôt que votre corps est incapable de soutenir une pareille épreuve, parce qu’il participe à la faiblesse de la matière : il succombera infailliblement sous le poids du travail et il périra. Aussi Dieu a-t-il accordé à notre enveloppe mortelle le sommeil qui doit réparer ses forces, et lui permettre de supporter la fatigante activité de notre âme.

                   Prenons garde de laisser notre âme s’endormir, car le sommeil de l’âme est chose mauvaise. Celui du corps est bon, puisqu’il contribue à en réparer les forces, à entretenir sa vigueur. Quant au sommeil de l’âme, il consiste à oublier Dieu, et toute notre âme qui perd le souvenir du Créateur s’y trouve plongée. C’était à de telles personnes que l’apôtre parlait en quelques endroits de ses lettres : elles avaient oublié leur Dieu, et, dans leur sommeil, elles songeaient à adorer des idoles. Les adorateurs des faux dieux ne ressemblent-ils  pas, en effet, à de gens qui rêvent de choses vaines ? Que leur âme se réveille, aussitôt elle reconnaît son Créateur, elle n’adore plus les divinités qu’elle a elle-même fabriquée. L’apôtre, parlant à ces personnes, s’exprime ainsi : Lève-toi, toi qui dors, sors d’entre les monts et le Christ t’illuminera. Par ces paroles, saint Paul voulait-il éveiller un homme endormi du sommeil du corps ? Non : son intention était de faire sortir du sommeil de l’âme les chrétiens qu’il désirait voir éclairés de la lumière du Christ. Le psalmiste n’était point plongé dans cet assoupissement spirituel quand il disait : Dieu, toi, mon Dieu, je Te cherche dès l’aurore : mon âme a soif de Toi. Ton cœur ne serait pas éveille si le point du jour n’était pas venu dissiper le sommeil de ton âme. Le Christ éclaire les âmes et les empêche de rester endormies. Elles s’assoupissent dès que les rayons de sa lumière ne parviennent plus jusqu’à elles. C’est pourquoi le psalmiste dit ailleurs : Illumine mes yeux que dans la mort je ne m’endorme. Par toute votre vie, par votre conduite, vous devez prouver aux autres que vous veillez dans le Christ : les païens qui dorment s’en apercevront. Ils se réveilleront au bruit de vos veilles, ils sortiront de leur assoupissement et commenceront à dire avec vous en Jésus : Dieu, toi, mon Dieu, je Te cherche dès l’aurore : mon âme a soi de Toi.